À l’occasion de la sortie du neuvième volume de la collection Ethiopiques, exhumant cette fois l’ uvre d’Alèmayèhu Eshèté, prince de la soul et du rock’n’roll abyssins, retour sur cette entreprise de réédition pas comme les autres qui en quelques années aura su nous révéler les beautés enfouies d’un continent musical d’une exceptionnelle richesse.
Projetée à l’extrême pointe orientale de l’Afrique, entre la Mer Rouge, la Somalie et le Soudan, riche d’une population composite et variée (plus d’une quarantaine de groupes ethniques parlant près de 7O langues et plus de 200 dialectes!), l’Ethiopie, malgré la famine endémique qui l’épuise et les ravages d’une guerre civile sans fin, reste une sorte de laboratoire culturel fascinant, emblématique de la créativité débordante d’un continent plus que jamais tiraillé entre traditions et modernité.
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Depuis que la collection Ethiopiques a entrepris d’en révéler les fastes musicaux, l’Addis-Abeba des années 1960-1975 occupe dans notre c’ur une place que d’autres réservent au swinging London ou à la Californie des sixties. La capitale éthiopienne se libérait alors en douce des griffes d’un Negus vieillissant. Dans le monde entier, l’après-guerre se découvrait une jeunesse d’un nouveau type, qui rêvait à la fois de révolution et de pur divertissement, de changement et d’oubli.
En Ethiopie comme ailleurs, on accueillait comme des libérateurs les hérauts américains et européens du rock’n’roll, de la pop, du rhythm’n’blues et de la soul. On s’attribuait sans façon leurs codes et leurs accoutrements : bananes, choucroutes, pantalons tuyau-de-poële, mini-jupes ? et on inventait surtout alors une musique joyeusement hybride, d’une folle audace juvénile, aux formes délicieusement monstrueuses, mélangeant allègrement sans l’ombre d’une autocensure, sans souci d’ordre ni de hiérarchie, mélismes arabisants, sensualité soul, improvisation jazz, rythmes latinos et énergie adolescente terriblement « rock’n’roll »?
C’est ce continent musical miraculeux, bientôt anéanti par l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, en 1974, qui, magnifiquement restauré, nous est révélé depuis quelque temps par l’admirable collection Ethiopiques. Retour en neuf étapes sur cette entreprise de réédition exemplaire témoignant d’un moment rare et intensément créatif de la musique africaine contemporaine.
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