Hymnes rutilants et guitares amples : le nouvel album des Américains de Merchandise fait sauter la banque. Rencontre, critique et écoute.
Ils se nomment Merchandise et ce serait presque de la provocation. Tout, en effet, chez ces Américains de Floride, semble bouder l’esprit mercantile. Ils ont proposé leur musique gratuitement sur le web. Ils se sont produits dans des lieux atypiques, fuyant les salles de concerts.
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Leur musique, surtout, se fout éperdument des formats, des cibles, des étiquettes : dans un authentique esprit DIY, ces Américains font tout tout seuls, à leur manière, sans plan de carrière, sans volonté de plaire. Pourtant, c’est ainsi qu’ils séduisent. Après deux disques confidentiels, leur ep Totale Nite leur valait l’an dernier d’heureuses critiques dans tout ce que l’hémisphère Nord compte de presse spécialisée.
Peu de moyens et plein de drogues
Le groupe remet le couvert cet été avec After the End, un nouvel album fait à la maison – le premier à sortir chez 4AD –, avec peu de moyens et tout plein de drogues. “On était chez moi, et on était bien défoncés. On a pris un tas de trucs”, résume leur flamboyant chanteur Carson Cox. Ça n’a pas empêché Merchandise de produire son disque lui-même, et avec soin.
“Ça a toujours été nécessaire pour nous de réaliser nous-mêmes la production de notre musique. Cela nous permet de vivre avec le disque. C’est comme si l’album passait sous notre peau et entrait dans nos veines, dans nos cerveaux : on écrit, on enregistre, on réécrit, on réenregistre sans cesse. Cela permet d’essayer différents types de voix, d’emmener les chansons dans plusieurs directions.”
Grands écarts sonores
One Direction : un nom qui irait à Merchandise comme une paire de stilettos à un cul-de-jatte. Des directions, le groupe en prend des tonnes : on pense, dans ce rock mouvant et épique, aussi bien à Morrissey qu’à My Bloody Valentine, à Spacemen 3 (dont Sonic Boom avait du reste produit l’ep Totale Nite) qu’à Swans.
Ces grands écarts sonores s’expliquent par l’éclectisme de Cox, leader aux idées larges qui héberge, dans son panthéon personnel, aussi bien Nina Simone que Jean Cocteau, Martin Scorsese, Frank Zappa, Marcel Duchamp ou David Bowie. Pour After the End, Cox a d’abord eu de grandes ambitions. Puis des désillusions.
“Je voulais enregistrer Scott 4 (l’album culte de Scott Walker – ndlr). Je voulais un album pop très formel, dans l’esprit des disques de la fin des années 60, du début des années 70. Malheureusement, c’est impossible à faire aujourd’hui. Aussi, j’avais envie de composer un disque très onirique sans pour autant faire un album de dream-pop ou de shoegazing. Hélas, j’ai réalisé que le groupe est encore trop jeune, trop inexpérimenté pour parvenir à faire le disque qu’il a en tête. Ceci étant, dans la musique comme dans l’art, les tentatives débouchent souvent sur des échecs, mais quelque chose d’inédit s’échappe de l’ensemble.”
Un résultat épatant
Ce qui s’échappe ici, ce sont dix morceaux longs et amples, portés par une production eighties soignée. Capables de parler la langue des stades (Green Lady) comme celle des chambres (Looking Glass Waltz, où Merchandise se fait marchand de sable), les hymnes des Américains dévoilent, derrière leur grandiloquence, de vraies compétences en écriture pop (Little Killer, parfaitement aiguisé).
L’ensemble a bénéficié, au mix, de l’aide de Gareth Jones, connu pour avoir travaillé sur la trilogie berlinoise de Depeche Mode et pour d’autres bienfaiteurs sonores (Grizzly Bear, Interpol). Le résultat est épatant, et ne se marchande pas.
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