Endeuillés par la mort d’Andy Fletcher et marqués par la pandémie, Dave Gahan et Martin Gore ressassent leurs idées noires. Mais peinent à en avoir de nouvelles.
Emporté par Ghosts Again, single somptueux inspiré par les envolées élégiaques de New Order, Memento mori, le quinzième album de Depeche Mode, suinte la disparition et la noirceur. Avec ses synthés modulaires crissants, ses rythmiques métalliques, ses interludes ambient, ses nappes de cordes solennelles et ses mélodies tourmentées, rehaussés par la voix de Dave Gahan, plus soul que jamais, à laquelle répond en écho, perdue dans les brumes, celle de Martin Gore, Memento mori est un disque troublant et poignant.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Marqué par la mort, comme le confirme Martin Gore : “Pendant l’enregistrement, j’ai fêté mes 60 ans, alors que j’ai perdu mon père et mon beau-père au même âge, et je me suis mis à penser que j’avais déjà un pied dans la tombe. L’épidémie de Covid et la mort d’Andrew [Fletcher, troisième membre du groupe décédé le 26 mai 2022] n’ont fait qu’accentuer ces sentiments. Même si l’enregistrement de Memento mori était terminé, et le titre, acté avant sa disparition, cette tragédie a totalement modifié la perception que nous en avions. Écouter ces chansons aujourd’hui alors qu’il n’est plus là leur donne une tout autre signification.”
Commencé avant la pandémie, puis freiné par celle-ci, Memento mori fut l’un des albums de Depeche Mode les plus complexes à faire éclore. “Je n’avais plus aucune inspiration, raconte franchement Martin Gore, nous devions être en avril 2020 et, pour la première fois dans l’histoire de Depeche Mode, j’ai appelé en renfort Richard Butler des Psychedelic Furs pour m’aider. Il m’a envoyé quelques paroles, des bribes de morceaux, des pistes à explorer, et le résultat était si satisfaisant qu’on a continué à travailler ensemble. Au départ, je pensais davantage à un projet parallèle, mais les titres étaient tellement bons que je lui ai demandé si je pouvais les utiliser pour Depeche Mode.”
Génie évanoui
Dans le sillage de Spirit (2017), précédent LP peu inspiré où le groupe peinait autant à se réinventer qu’à capitaliser sur son virage rock, Memento mori, plus produit, précis et sophistiqué, écrit en majeure partie par Gore, multiplie les clins d’œil à la discographie de Depeche Mode. Par l’intitulé même de titres comme People Are Good, Never Let Me Go ou Don’t Say You Love Me, références à des tubes passés, par les rythmiques au goût d’acier en souvenir de Construction Time Again (1983), par cette noirceur troublante, en écho à Ultra (1997) qui plane sur l’album, par la voix de Dave Gahan teintée de gospel…
Malheureusement, les onze autres morceaux peinent à retrouver la grâce de Ghosts Again, naviguant dans des ambiances pesantes et endeuillées, où tout le génie de Depeche Mode – nous faire pleurer en dansant ou l’inverse – semble s’être évanoui. On pensait que Depeche Mode ferait de Memento mori un joli pied de nez au destin. Hélas, l’album, en forme de cortège funèbre, résonne comme le dernier soupir d’un groupe qui n’a, désormais, plus grand-chose à dire ni à partager. Ni à prouver !
Memento mori (Columbia/Sony Music). Sortie le 24 mars. En concert au Groupama Stadium, Lyon, le 31 mai ; au Stade Pierre-Mauroy, Lille, le 22 juin ; au Stade de France, Saint-Denis, le 24 ; au Matmut Atlantique, Bordeaux, le 4 juillet.
{"type":"Banniere-Basse"}