A l’occasion de la sortie de son premier album, rencontre avec la jeune Française derrière Melody’s Echo Chamber.
Comment s’est faite la rencontre avec Kevin ?
C’était en 2010, ils ont fait un concert au Nouveau Casino puis leur aftershow au Motel, un bar d’amis où je vais souvent. J’avais été très impressionnée par leur set, par le son qu’ils avaient. J’étais sur le cul, le son de guitare semblait venir de l’espace, un son en particulier, sur une chanson, qui m’avait renversée. Je voulais savoir comment ils faisaient, il ne voulait pas me le dire ; on a commencé à parler de trucs techniques, de trucs de nerd, je n’y connais pas forcément grand-chose mais je suis fan de production. Ca vient aussi de la manière dont il joue, très particulière. Je lui ai glissé à ce moment-là le disque de mon projet précédent, My Bee’s Garden. Quelques jours plus tard, il m’a recontactée en me disant qu’il l’avait écoutée en boucle, qu’il adorait, qu’il cherchait justement un groupe pour faire leurs premières parties européennes… Donc on est partis, et c’était génial, on s’est super bien entendus, ce sont des gens simples et adorables, très intéressants, on a beaucoup échangé. J’avais des maquettes faites toute seule, un peu pourrie, que je lui ai fait écouter : il a senti dans les compositions, dans ma voix, qu’il y avait quelque chose qui lui plaisait, et il m’a dit qu’il avait envie d’essayer de me produire, ce qu’il n’avait jamais fait sinon pour son seul album.
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Vous avez travaillé en Australie, c’est ça ?
Oui, chez eux à Perth. C’était un moment de ma vie où j’avais vraiment besoin de fuir, de quitter Paris ; et ça a été le début de l’album. Et partir si loin, littéralement à l’autre bout du monde, a été un déclic pour mon épanouissement, même en tant que femme. Je suis ensuite revenu faire des voix chez moi, dans le sud de la France et là c’est mon Moi qui s’exprimait, mon intimité, mon enfance qui remontait, le fantôme de ma grand-mère, décédée dans cette maison… Je sentais qu’émotionnellement ça allait marcher. D’abord un déracinement, puis le réinvestissement de ma propre vie.
Tu as quand même été impliquée, dans la production ?
Oui. J’ai une vision assez claire de ce que je veux, je sais précisément ce que j’ai envie de faire, j’aime bien prendre plein d’éléments de musiques que j’écoute. Je suis tout le temps avec mon casque, j’écoute des choses en permanence. Lui, par contre, n’écoute pas tant de musique que ça, il ne connaissait pas certaines de mes références, comme Broadcast ou Stereolab par exemple. C’est un guru, il peut rester enfermé des journées entières à jouer avec son oscilloscope, mais il n’écoute pas trop de musique. J’aime beaucoup Broadcast, on enregistrait au moment où Trish Keenan est décédée, et ça m’a fait un immense choc. C’est un de mes groupes préférés, c’est une inspiration, mais on n’a pas non plus cherché à copier, on voulait s’en détacher, on voulait notre truc à nous. Mais dans la production, des morceaux romantiques mais sales, rock, c’est une inspiration.
L’expérimentation, pour vous, consistait en quoi ?
On a par exemple pas mal expérimenté sur Snowcapped Andes Crash, une chanson sur le crash de la Cordillère des Andes, on a essayé de créer des explosions… Mais on gardait souvent les premières prises, pas plus de trois en général, Kevin est le producteur le plus paresseux du monde, pas plus d’un truc par jour, après il allait jouer sur son oscilloscope ou allait voir des potes… Ils sont toute une bande, souvent ensemble, ils s’amusent beaucoup. Perth, c’est une ville incroyable, qui bouge tout le temps : il y a une infinité de groupes, des concerts tout le temps, les mecs sont tous des rock stars chez eux. Un électrochoc par rapport aux manières de faire et à la musique à Paris : pour répéter, c’est l’enfer, les studios coûtent tellement cher que tu dois tout faire très vite et sans plaisir, si tu n’as pas de voiture, trimballer ton matos est une corvée, les concerts sont compliqués et mal payés… Là-bas, ils ont tous leur voiture, ils peuvent jammer chez eux parce qu’ils ont de l’espace, ils peuvent jouer fort et quand ils veulent, aller boire un coup et aller à la plage : c’est une vie géniale. Ca m’a fait rêver.
Il y a de la mélancolie, mais aussi quelque chose de très ludique, dans ton album…
On n’a jamais vraiment eu l’impression de travailler, rien à voir avec la manière dont je faisais avant ; j’allais en studio, j’allais travailler. Là on s’amusait, tout le temps. Il y a de la mélancolie, sans doute, mais ce n’est surtout pas triste.
On a un peu parlé des mélodies, mais tout part de là pour toi ?
Oui, naturellement. Contre ma volonté, parfois… Je me suis posé la question : pourquoi je chante des chansons ? Et j’ai lu quelque chose il y a quelque temps qui explique qu’on chante pour faire naître de l’empathie chez les autres, partager des joies et des peines, et sortir de son « moi exigu » : j’ai trouvé ça très vrai, ça m’a parlé.
Et ce goût pour le psychédélisme ?
Je ne sais pas toujours pourquoi j’aime ce que j’aime. J’écoutais Debussy ou Maessiaen en même temps que Silver Apple ; je serais bien incapable d’expliquer pourquoi. Ce que j’essaie de faire, c’est d’essayer de chanter et d’enregistrer mes rêves de bonheur, et je trouve que le psychédélisme correspond à ça. J’aime imaginer que les gens peuvent s’échapper, lâcher prise, qu’il y ait un sentiment d’abandon.
On entend beaucoup parler de toi depuis quelques semaines, et à l’étranger : comment l’expliques-tu ?
Je suis contente du disque, je pense que ça se ressent. C’est peut-être prétentieux, mais je pense que cet album a beaucoup d’amour à donner. La signature avec Fat Possum a eu un impact fort, aussi ; même en France, quand ça vient de l’extérieur, ça a toujours un côté plus attirant. Je leur ai envoyé des morceaux, notamment parce que je suis très fan d’Unknown Mortal Orchestra, ils ont répondu deux jours après en me disant qu’ils voulaient travailler avec moi. Ils voulaient faire le disque alors qu’ils n’avaient que trois morceau… « C’est possible, ça ? » Je n’y croyais pas.
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