A l’occasion de la sortie de son premier album, rencontre avec la jeune Française derrière Melody’s Echo Chamber.
Comment te décrirais-tu ?
Je suis hypersensible. Depuis que je suis toute petite ; je suis Jean-qui-Rit Jean-qui-Pleure. C’est parfois dur : à Paris, en une semaine, je peux pleurer quatre fois, c’est ridicule. Ce que je vois, ce que j’entends me touche, profondément, ça me fait de la peine. Je viens de la campagne et Paris est une ville très intense. Oui, c’est sans doute mon trait de caractère principal : je suis sensible. C’est bien, mais c’est fatiguant.
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Que peux-tu me dire de ton enfance, de ton éducation ?
Je suis né dans le petit village de Puyricard, en Provence. Une Eglise, un supermarché, c’est tout. Des parents très simples ; mon père est Italien, ma mère Hollandaise. Mon père était bassiste dans un groupe de rock, dans les années 70, mais il a laissé tomber. Il y avait quand même une atmosphère très musicale à la maison. Mon frère était très fan de Vangelis, de Jean-Michel Jarre, puis de techno, de dance, il en écoutait très fort, tout le temps. Il a construit son propre home studio à la maison, j’y ai d’ailleurs enregistré mes premières chansons. Ma sœur chante aussi très bien, même si elle ne le fait que pour le plaisir, ma mère faisait partie d’une chorale, mon père écoutait du jazz tout le temps. De la musique en continu. Et j’étais au conservatoire, pendant 12 ans, je devais bosser une heure chaque jour, j’ai eu des horaires scolaires aménagés. Je passais mes après-midi là-bas quand les autres allaient faire la fête… Mais je ne regrette rien : j’ai ressenti les émotions les plus intenses de ma vie en jouant dans un orchestre symphonique. Je ne l’ai jamais ressenti à nouveau, et ça me manque.
Il y a un peu de ça, dans ce que tu fais ; cette impression, parfois, de mur du son…
C’est vrai, c’est possible, c’est peut-être quelque chose que je recherche. Mais rien ne vaudra jamais, sans doute, cette expérience de l’orchestre symphonique. Je me souviens, après un concert, de descendre un escalier, les joues roses, totalement prise par ce que j’avais vécu… Un projet solo est évidemment différent ; mais je n’ai jamais vraiment été seule, j’ai toujours adoré collaborer avec des gens. Je m’ennuie, seule. Il se passe tellement de choses, de choses fortes, quand tu travailles avec quelqu’un…
Musicalement, comment tes influences se sont-elles formées ?
Dans le sud, c’était évidemment un peu difficile ; pas encore d’accès à Internet, pas de bonne radio, pas de salle de concert à Aix-en-Provence… C’est mon premier petit copain sérieux, vers 18 ans, qui a commencé à me faire découvrir des choses un peu « cool », comme les Strokes, Radiohead… Ca a commencé à ouvrir mon horizon, un peu fermé sur la musique classique. Puis je suis montée à Paris, je n’en pouvais plus de vivre à la maison. J’ai fait une école de design, et j’ai rencontré des gens qui écoutaient de bons groupes. Je me souviens que le premier groupe à m’avoir vraiment marqué a été Blonde Redhead ; leurs mélodies un peu dramatiques, et d’ailleurs très inspirées de la musique classique, très Gainsbourg aussi, la voix de Kazu Makino… Un peu plus tard, je me suis penchée sur Can, Neu !, les Silver Apples, Red Crayola. Puis des choses plus psychédéliques. Une fois que j’ai découvert ce monde, je croyais avant que seule la radio française existait, j’ai fouillé. Portishead m’a aussi beaucoup marquée.
A posteriori, trouves-tu un point commun, pas forcément musical, entre toutes ces choses vers lesquelles te dirigeaient tes goûts et tes envies ?
J’aime les artistes qui cherchent à atteindre la plus grande intensité expressive dans leur œuvre. Je me sens d’ailleurs plus proche des expressionnistes que d’un quelconque courant musical en particulier ; j’ai été très touchée par des peintres, des tableaux qui me prennent au corps, physiquement, quelque chose de sauvage, et c’est ce que je cherche quand j’écoute de la musique. J’ai notamment été frappée l’année dernière par une expo à la Pinacothèque sur le mouvement Cavalier Bleu, et par les oeuvres de Marianne Von Werefkin : c’était fort, psychédélique, ondulé, ce serait ce que je peindrais si je peignais plutôt que de faire de la musique. Musicalement, je cherche aussi des choses très produites, avec des choix clairs, des choix uniques.
Ton savoir initial, tu as eu besoin de le déconstruire quand tu as commencé à écrire ?
Il y a une dualité. J’ai du le détruire, oui, mais dans le même temps en garder l’essence : j’aime les belles mélodies, les beaux accords, je compose souvent en arpèges, en accords égrainés, j’essaie de trouver un accord entre ce classicisme et un son plus sale, décomposé. C’est pour ça que j’ai collaboré avec Kevin Parker de Tame Impala, c’était parfait : il m’a aidé à tout démolir et à tout reconstruire, avec de nouvelles bases. Nous étions deux opposés complémentaires. Et le beau seul, je trouve ça ennuyeux : y ajouter quelque chose de dégueulasse le fait ressortir bien plus.
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