FM Cornog, le singleton amoché d’East River Pipe, est poursuivi par une ironie sadique. D’abord ce prénom, malheureux pour qui se fera toujours refuser l’entrée des radios FM, qui n’ont pas l’habitude de donner aux pauvres ; ensuite ce nom de groupe, en hommage au gigantesque tuyau des eaux usées new-yorkaises dans lequel il habita, […]
FM Cornog, le singleton amoché d’East River Pipe, est poursuivi par une ironie sadique. D’abord ce prénom, malheureux pour qui se fera toujours refuser l’entrée des radios FM, qui n’ont pas l’habitude de donner aux pauvres ; ensuite ce nom de groupe, en hommage au gigantesque tuyau des eaux usées new-yorkaises dans lequel il habita, dur nom de tube à porter pour qui n’en décrochera jamais le moindre. Longtemps homeless dans le civil, FM Cornog l’est aussi dans le rock new-yorkais : personne ici pour partager ce lyrisme fiévreux et malingre, pour prêcher en milieu urbain la parole douce-amère de Grant McLennan ou des Apartments. On imagine d’ailleurs avec effroi la tête du rock new-yorkais quand il découvrira les cahiers de notes de FM Cornog et lira, au détour d’autres petites peines à sa maman, « Je suis une petite erreur, je vais arranger ça et disparaître de cette planète. » Pourtant, pour une fois, l’humour glorieusement féroce et cynique de New York aura tort. Ce que FM Cornog essaie de dire sur la pochette dessin d’imbécile digne du meilleur Matt Groening , c’est qu’il a tout perdu dans son tuyau, y compris sa dignité et sa logique. Ce type ne sait même pas qu’on peut être triste par décision artistique, déprimé par pose, dégoûté par goût : loin des précieux ridicules on pense au nombrilisme burlesque de son lointain cousin Red House Painters , il ne connaît vraiment de la musique que les accords mineurs et les mots minés. Et se débrouille, avec ce matériau noir et visqueux, pour construire ses petites cathédrales de chansons où la lumière finit toujours par se faufiler. Les magnifiques We’re going to nowhere, The Way they murdered me ou Lonely line away (ces titres, quand même) avaient, par exemple, tout pour virer marée noire : FM Cornog y réalise pourtant de miraculeuses victoires contre le cafard, qui souffle dehors sans jamais pénétrer ces chansons apaisées, à la sérénité impressionnante car sans cesse menacée. Menace qui renonce même à s’attaquer à l’instrumental New York crown, moment de grâce que l’on conseillera avec insistance comme générique de début et fin de tous vos prochains home-movies on ne voit vraiment pas pourquoi John Cale aurait, en France, le monopole cinématographique de ces éclairages romantiques et troubles.
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