C’est à Lisbonne que la Cap-Verdienne a puisé son inspiration. Un métissage réussi pour ces morceaux qui flirtent avec les sons contemporains de l’Afrique.
Pour expliquer les cinq ans qui se sont écoulés depuis son dernier disque, Lovely Difficult, la sensuelle et tempétueuse Mayra Andrade invoque la meilleure des raisons : “Je respecte mon biorythme.” L’envoûtante Cap-Verdienne a laissé la vie l’envelopper, le soleil la dorer, les amours surfer sur son cœur, les joies et les chagrins la traverser de courants contraires. Elle a déménagé à Lisbonne, son nouveau port d’attache après Cuba, le Cap-Vert, le Sénégal, l’Angola, l’Allemagne et Paris. Et s’est régénérée. “Débarquée ici, j’étais un peu asséchée. Telle une éponge, j’ai dû me réhydrater l’âme”, dit-elle.
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« Je rajeunis musicalement »
Dans la capitale portugaise, elle vibre toutes antennes dehors pour les sons underground qui poussent dans ces endroits hors radar, en marge des lieux de la hype. Ici, elle s’abreuve aux sonorités urbaines de l’Afrique lusophone, au kuduro qui secoue les hanches ; elle côtoie des jeunes musiciens electro hyper créatifs ; collabore avec Branko du groupe Buraka Som Sistema… Et écoute de l’afrobeat, comme un appel puissant de son continent d’origine.
Pour ce disque enregistré entre Paris et Abidjan, elle choisit donc naturellement deux jeunes beatmakers surdoués, l’Ivoirien 2B et le Sénégalais Akatche. Ainsi, son nouveau disque Manga aborde-t-il de nouvelles terres. Davantage éloigné de la musique insulaire (morna, coladera, funana) qui constituait jusqu’alors sa signature, Mayra aborde les rivages sonores d’une Afrique urbaine, alternative et branchée, électro, avec des accents de coupé-décalé et d’afrobeat. “Je suis une âme ancienne, mais je rajeunis musicalement”, rigole-t-elle. Avant d’expliquer : “Au début de ma carrière, je sentais le devoir de porter haut les couleurs musicales de mon pays. Aujourd’hui seulement, j’éprouve le droit d’explorer les autres pistes qui m’appellent.”
Hommage au Cap-Vert
Si, dans ce disque, Mayra s’éloigne de la voie royale tracée par Cesaria Evoria, sainte patronne des Cap-Verdiens, elle n’en rend pas moins hommage à son archipel. Sur ses pistes, elle célèbre la saudade – la nostalgie lusophone –, sa terre, le grain de sable au creux des mains et les migrations de son peuple de marins. Surtout, en créole cap-verdien, sa langue maternelle jaillie des entrailles pour nourrir son chant, elle livre une poésie directe, charnelle, sans fioritures et pleine d’images.
Sur ses musiques gorgées de force solaire et de pas de danse, elle parle aux sirènes, dépeint les paysages sensuels de son île, pose ses mots d’amour et ses colères, ses chagrins et sa douceur. Son disque, Manga, du nom de ce fruit féminin à la chair pulpeuse, lui ressemble : comme un instantané de la vie d’une jeune femme de 33 ans, d’une aventurière au sourire éclatant, les deux pieds solidement ancrés dans sa musique, dans ses traditions et dans son temps.
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