Privé d’électricité, puni de larsen, Mascis prouve que son écriture mérite mieux que le raffut Dinosaur Jr. Dans une chanson, Leonard Cohen se lamentait d’être né avec le “don d’une voix en or”. Jay Mascis, l’ancienne tête pensante (on rigole, là) de Dinosaur Jr a toutes les raisons de se plaindre de la vie de […]
Privé d’électricité, puni de larsen, Mascis prouve que son écriture mérite mieux que le raffut Dinosaur Jr.
Dans une chanson, Leonard Cohen se lamentait d’être né avec le « don d’une voix en or ». Jay Mascis, l’ancienne tête pensante (on rigole, là) de Dinosaur Jr a toutes les raisons de se plaindre de la vie de tous les jours, mais certainement pas celle-là. Chez ce champion du monde du surplace devant la télé, on parlera plutôt du don d’une voix en tôle ondulée, d’une voix en fer-blanc rouillé, d’une voix en aluminium dont on fait les casseroles cabossées. Malin, il avait pris l’habitude de la balayer sous le tapis de guitare de Dinosaur Jr : tout au plus entendait-on un filet imberbe, neutre, n’ayant qu’une corde (vocale) à son arc. Pas une voix à prouesses, mais une voix quand même identifiable entre toutes : l’apanage des vrais ratés, totalement foireux, nullissimes jusqu’à l’art. Oui, cette voix terriblement proche de la nôtre pas même foutue de sauter 20 centimètres en hauteur, d’escalader un muret, de courir plus de 2 mètres réussissait à enregistrer des albums entiers, auxquels elle donnait un ton inimitable, une identité étonnante, un charme rugueux, rustaud mais parfois irrésistible. Pendant des années, le rock américain essayera de chanter aussi mal que Jay Mascis, sans jamais parvenir à sa perfection toute naturelle. Car s’il chantait comme un pied, Jay Mascis n’écrivait pas avec les siens : les mains, autrement plus habiles que l’organe, étaient capables, sur un hamac, de vertiges d’écriture. D’où la crainte, légitime, à l’annonce de cet album acoustique : comment la voix pourrait-elle continuer à se planquer dans le désert ? Amusés par l’ampleur du défi, on commence cet album par la plus mauvaise entrée possible : septième position, une reprise de The Boy with the thorn in his side des Smiths. Un film d’horreur, là, où la voix dégouline comme un camembert sur une guitare à la consistance de cancoillotte oubliée sous le cagnard. Même les pires ennemis du couple Marr/Morrissey auront de la compassion, après un coup de salaud pareil. Quitte à démarrer par une reprise, il aurait fallu fureter en toute fin d’album, sur une version tremblante et belle du Every mother’s son de Lynyrd Skynyrd, aussi vibrante que celle récemment enregistrée par Palace. Car c’est avec ce ton, grave et chancelant, que Jay Mascis séduit en solo, loin de ces pénibles Unplugged, où les groupes semblent hurler, sur fond de guitare sèche : « Nous aussi, on peut être raseurs. Regardez, on sait être aussi banals que Fleetwood Mac. » Un confort impossible pour cette voix, incultivable et pleine de ronces, pour ce songwriter faussement débile léger (Thumb ou Get me ont une sacrée gueule, même à poil). Qui réussit l’album acoustique approximatif, crevé, rayé et vérolé dont Kurt Cobain rêvait en entrant, poussé dans le dos, à l’Académie MTV.