Les Vilains Mise en scène de Marjorie Nakache.
Aujourd’hui, dans le langage des banlieues, resurgissent des mots dont on avait perdu l’usage. Vilain est de ceux-là. Les vilains de Stains, plutôt représentatifs de leurs confrères d’autres périphéries, s’ennuient à mourir, donnent des coups de pied dans les poubelles à défaut de mettre le pied au cul du monde. « Taf, taf, taf », répètent-ils à l’envi en faisant dribbler mollement un ballon de basket. Mais du taf, il n’y en a pas. Un clochard, installé là depuis des lustres, essaie bien de leur insuffler une vision politique, mais dormir dehors emmitouflé dans un vieux manteau ne représente pas franchement un modèle d’avenir. C’est devant le théâtre où se répète une pièce de Ruzzante (auteur du xvième) et où la soeur de l’un d’eux fait le ménage « Elle est trop nulle » , que se réunissent quotidiennement les lascars. Tranches de vie écrites par les vacataires du théâtre de Stains et mises en forme par Marjorie Nakache, ce théâtre brise les barrières en jouant les textes de Ruzzante en miroir aux paroles d’aujourd’hui. Les langages se cognent et à l’argot du xvième répond le verlan des cités comme à la déclamation la rythmique du rap. Les candidats aux emplois jeunes (« bac moins 5 », comme ils se nomment eux-mêmes), manient un humour saignant aux expressions imagées. Aux scènes d’amour jouées dans le théâtre à l’italienne répondent les maux de l’amour, dehors, sur le bitume. L’amour, un mot banni, un truc pour les meufs dont on rêve en secret mais qu’on ne montre surtout pas aux copains. Le spectacle réussit le tour de force de ne faire aucune concession bien-pensante à la fameuse fracture sociale. Pas d’angélisme niais qui voudrait que ces gens-là soient meilleurs que d’autres. Leur rêve, faire un métier cool, mais lequel, ils ne savent pas, et quand ils en ont franchement marre c’est sans pitié qu’ils s’attaquent au clochard ! Le public s’y retrouve, y compris ceux qui d’ordinaire ne franchissent jamais la porte de velours pourpre. Ils entrent, s’installent et avouent « avoir la honte mortelle ». Marjorie Nakache et Xavier Marcheschi dirigent ce théâtre depuis maintenant dix ans, ce ne sont pas des assistants sociaux mais des artistes et personne ne s’y est trompé.
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