La musique de Marc Monnet, qui révèle un tempérament très inventif, se moque de l’orthodoxie et des conventions.
Rupture, brisure, mélodie aphone ou étranglée, le son chez Monnet ne se délie pas si facilement. Caché et retenu, comme protégé de l’extérieur, il résiste avec une tension infinie. « Je demande souvent au musicien d’être excessif, excessif dans les tempi, dans les contrastes. J’ai souvent besoin de convaincre pour arriver à ce que je souhaite », déclarait le compositeur à Jacques-Emmanuel Fousnaquer, qui l’interrogeait à propos de son premier disque (Pièces célibataires, Montaigne/Auvidis). Close, son second quatuor à cordes ici enregistré par le dédicataire, le Quatuor Arditti , n’a rien d’un agréable fond sonore pour dîner en ville. La sévérité du propos douche l’auditeur, surpris par cette tache sombre qui ne cesse de s’accroître. La crudité des contrastes exacerbés, où s’emboîtent « des silences, des plages lentes, des sursauts, des répétitions », bouscule notre écoute. Par ses mouvements incessants, ses glissements sur la microtonalité, la brutalité de ses sauts d’accords et ses silences évocateurs, Close joue sur la discontinuité, élément caractéristique de la musique de Monnet. Faisant fi de l’institution ô combien bourgeoise du concert de musique contemporaine, Monnet préserve dans sa musique, en élève inspiré de Kagel, un sens du théâtre qu’il manie avec candeur, voire ingénuité. Il faut écouter le rire grinçant et « exaspéré » des quatre cors et des quatre trombones dans Wa-Wa pour saisir l’expression profondément humaine des notes chez ce rebelle. Dès lors, on apprécie le geste chorégraphique éruptif de l’alto solo dans Fantasia bruta, malgré sa rudesse et sa tension quasi suffocante. Le compositeur apprécie que l’interprète, le texte assimilé, s’autorise certains dérapages. Dans les récents Chants ténus, pour vingt-trois instruments et transformations électroniques (créés à Musica-Strasbourg par les mêmes interprètes de l’Ensemble Ars Nova), le son surgit imperceptiblement des tréfonds de l’âme et glisse en toute quiétude. Aérienne et versatile, c’est une chimère dont le corps souple s’élève et tournoie, telle l’Idole du Testament d’Orphée de Cocteau. Monnet façonne des objets sonores durs comme la pierre, mais d’un éclat rare.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Marc Monnet, Pièces rompues (Siècle pierre tombeau, Close, Wa-Wa, Fantasia bruta, Chants ténus) Quatuor Arditti, Ars Nova, direction Philippe Nahon (Montaigne/Auvidis)
{"type":"Banniere-Basse"}