On la connaissait déjà, de la mode au cinéma. Sur un premier album espiègle et plein de rebondissements, on découvre la chanteuse Mai Lan. Avant de la redécouvrir en live au Festival Les inRocKs.
« Je suis un croquis fait avec amour mais encore à la recherche d’une forme”, suivi quelques lignes plus loin par “Je pourrais être un genre de chef-d’oeuvre si seulement j’y croyais”. Voici quelques-uns des traits les plus saillants d’Easy, un autoportrait musical où Mai Lan confie en anglais ses doutes d’artiste émergente sur un genre de skiffle qui part en vrille.
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Préambule à son premier album, Easy a inspiré un clip qui sème depuis le printemps de la bonne humeur sur le net. Comme un remake d’Eraserhead de David Lynch filmé par Wes Anderson avec un caméscope familial, c’est tendre et loufoque, naïf et déjanté, d’une gaieté contagieuse qui envoie tout balader, doutes compris.
Si la jeune femme se perçoit encore comme une oeuvre inachevée, une esquisse, cette vidéo révèle son indéniable maîtrise à se définir un univers sonore et visuel où rien ne semble laissé au hasard, du petit blouson en nikate lamé aux boucles d’oreilles mong. Une quête de la perfection formelle qui se lit encore plus clairement sur la pochette de son premier album, où la jeune femme apparaît “totemisée” comme une Madone sexy peinte par Frida Kahlo, entourée d’objets – huîtres, crabes dormeurs, cactus, coquillages – en rapport avec le contenu des chansons. Quoique l’image, forte mais figée, ne corresponde pas vraiment à l’explosion de vie qui vous attend à l’intérieur, ni à l’assaut de fraîcheur en embuscade. Comment l’imaginer autrement quand “mai lan” veut dire “orchidée du printemps” en vietnamien ?
Pour la qualité graphique, cette jolie fleur a de qui tenir. Son père, Christian Chapiron, est le célèbre illustrateur membre du collectif Bazooka, qui s’est fait connaître sous le nom de Kiki Picasso à l’époque où l’esprit du punk traversait toutes les disciplines. Quant à sa mère vietnamienne, fille de militants entrés en résistance sous la colonisation française, elle n’a eu qu’un seul mot d’ordre à adresser à ses enfants : “Soyez vous-mêmes ! Trouvez votre voie !”
“Mon frère et moi avons toujours été poussés à nous exprimer artistiquement. Si je me suis mise à dessiner très tôt, c’était un peu par mimétisme. En revanche, la musique, c’est quelque chose que j’ai développé seule.” Son frère est le cinéaste Kim Chapiron, réalisateur de Sheitan, film à la BO duquel Mai Lan a participé, avec une version de Bâtards de barbares du groupe rap La Caution, rebaptisée Gentiment je t’immole, où elle susurre : “Je te pisse dessus, je te brise le cul, petit fils de pute…” “C’était un délire, quelque chose à prendre au second degré évidemment, mais qui finalement, comparé au Sale pute d’Orelsan, n’a pas vraiment créé de polémique.” Désormais, Mai Lan chante ses propres mots, accompagnée par Max Labarthe, un ami depuis le CP. Des paroles moins provoc qui s’enfoncent dans un imaginaire resté enfantin, entre journal intime et histoires à dormir debout, comme cette improbable chasse au dahu où elle nous entraîne.
Musicalement, tout procède du patchwork et du faux débraillé : base folk et garnitures hip-hop ou electro. Ce qui nous rappelle qu’elle est aussi styliste, créatrice de la ligne Bezem-Mai Lan, qui s’est forgée une identité en s’inspirant des tenues de certaines minorités ethniques. “Avec ce disque, conclut-elle, c’est comme si j’étais passée de la mode à la mise à nu.”
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