Maguy Marin, dont les premiers spectacles tournent encore dans le monde entier, décide d’offrir sa scène et de partager son savoir-faire.
Celle que l’on « vend » comme la chorégraphe française la plus connue internationalement, celle dont les pièces ont tourné des centaines de fois de Tokyo à New York a fini par se sentir très à l’étroit dans sa belle cage dorée. D’aucuns auraient hésité à mettre les pieds dans le plat : boude-t-on son succès ? Refuse-t-on à Créteil le confort de la direction du centre chorégraphique national le plus proche de la capitale ? Il faut croire que oui, lorsqu’on s’aperçoit, insidieusement, qu’on ne vit plus ce qu’on veut vivre, mais simplement ce qu’on a engendré : « On est pris dans une routine qui fonctionne assez bien mais qui vous bouffe la vie. J’ai commencé à sentir le besoin de ne plus être uniquement dans les créations et dans les tournées mais de partager aussi avec des gens qui viennent d’ailleurs. Pour cela, j’ai pensé qu’il serait bien d’avoir un petit lieu où nous pourrions travailler et accueillir d’autres artistes. Alors avec Denis Mariotte (le musicien iconoclaste qui collabore à toutes ses créations depuis 1989 et qui transforme ses danseurs en corps parlants, chantants et résonnants), on a commencé à chercher… »
Et ils ont trouvé. Ils ont même fait coup double. Il y a d’abord cette menuiserie de Sainte-Foy-lès-Lyon qu’ils ont achetée et qu’ils inaugurent dans quelques semaines. Ouverte à un collectif d’artistes d’horizons divers musiciens, plasticiens, danseurs, maçons , elle est avant tout un outil de travail offert aux marginaux de la création, à ceux qui n’ont jamais de subventions, d’aides au projet.
Et puis, il y a le déplacement du centre chorégraphique national dans une banlieue lyonnaise qu’on pourrait dire en difficulté si l’on avait le goût de l’euphémisme : Rilleux-la-Pape, un quartier à l’abandon signalé par deux tours et bouclé par quelques jeunes qui font régner leur loi. Une des tours est presque désaffectée : les gens ont peur et partent. C’est là que le maire décide de tenter l’aventure : d’abord, faire un pôle de formation pour les jeunes du quartier en rapport avec les entreprises implantées dans la ville et la région. Ensuite, faire appel à une équipe de création, Maguy Marin et sa compagnie, pour s’engager dans des actions de sensibilisation et de formation.
Le pari est lancé : ce sera une expérience pour une quinzaine de jeunes sur neuf mois, dans laquelle seront impliqués les danseurs de la compagnie et des intervenants extérieurs. « Je souhaite une interpénétration du travail de la création avec des gens qui ne sont pas formés. Je voudrais essayer de casser l’événement création pour que cet acte-là soit vécu au quotidien et non plus en termes de « première mondiale ».
Voilà, tout est dit. Maguy Marin ne veut plus coller à son image. Décidément, il souffle un vent de colère chez les artistes aujourd’hui. Marre d’être vendus, ils ont envie de partager. Qui les entend ?
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