Ce printemps, Jacques Dutronc publie son treizième album et, miracle, il semble que ce soit le bon. Peut-être le dernier, peut-être pas, mais en tout cas le meilleur depuis’ depuis ! On a beau ressortir nos reliques en vinyle craquelé et carton corné, les faits sont là : Dutronc n’a jamais sorti, en dehors des […]
Ce printemps, Jacques Dutronc publie son treizième album et, miracle, il semble que ce soit le bon. Peut-être le dernier, peut-être pas, mais en tout cas le meilleur depuis’ depuis ! On a beau ressortir nos reliques en vinyle craquelé et carton corné, les faits sont là : Dutronc n’a jamais sorti, en dehors des pétaradantes collections de singles des années 60, un album que l’on puisse écouter d’un bout à l’autre sans éprouver ce sentiment frustrant que le grand Jacques ne s’est pas cassé le tronc. Il n’est pas exclu d’ailleurs qu’on l’aime un peu beaucoup pour ça, Dutronc. Pour sa totale indifférence et même pour sa farouche résistance à l’idée de bâtir une œuvre. Il n’y aura pas débat : Madame l’Existence, qui succède au très « bas lourd » Brèves rencontres sorti il y a huit ans, prouve que, lorsqu’il soigne un minimum l’emballage musical, Dutronc surpasse, sans trop se forcer apparemment, tout ce qu’il a coulé dans le bronze au cours des deux dernières décennies. A 60 ans (le 28 avril dernier), on dira qu’il était temps.
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Pour faire une chanson qui marche, en outre, voilà une paille que Dutronc a égaré la recette. La dernière fois qu’il a affolé les hit-parades, c’était en 1984 avec l’impayable Merde in France (cacapoum). Sur le nouvel album, une chanson fameusement égrillarde s’intitule Face à la merde, ce qui ne va sans doute pas arranger son cas aux Académies.
?Face à la merde, tout doit disparaître? est l’une des nombreuses saillies que l’on doit à la réunification surprise du tandem qu’il a formé pour la postérité avec Jacques Lanzmann et qui retrouve sur Madame l’Existence sa vitesse de pointe. Sur le papier, ce rabibochage des frères Jacques pouvait faire croire au round de trop. Pourtant, le texte somptueux de Madame l’Existence justifie à lui seul le retour des vieux boxeurs du verbe sur le ring. Par endroit, bien sûr, il émane des chansons comme un parfum désuet un peu encombrant, notamment dans l’emploi de certains mots. Mis à part ce léger décalage, l’illusion fonctionne assez bien. A l’exception de l’inconsistant Transat en solitaire, aucune faute de goût flagrante ne vient plomber l’album.
Moins sujette à (Lemmy) caution, l’autre reprise, le magnifique Un jour tu verras de Mouloudji (musique du grand Georges Van Parys), devrait faire consensus. S’il pratique sur la moitié des titres ce talk-over tabagique dont Gainsbourg lui a transmis le relais, Dutronc chante également façon crooner sur l’autre versant. Ce n’est pas la moins agréable des surprises que d’entendre cette voix alerte enrubannée de violons sur C’est peut-être ça l’amour, Dou dou dou ou l’émouvant Voulez-vous.
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