Macbeth chez les Helvètes. Un Macbeth méconnu réapparaît, avec son spectre et ses sorcières mais sans les vieilles ficelles romantiques. C’est une tradition à Montpellier : chaque été, le Festival donne à entendre des musiques à redécouvrir de compositeurs méconnus ou oubliés. Certes, la tâche n’est pas facile, il faut convaincre les interprètes, et le […]
Macbeth chez les Helvètes. Un Macbeth méconnu réapparaît, avec son spectre et ses sorcières mais sans les vieilles ficelles romantiques.
C’est une tradition à Montpellier : chaque été, le Festival donne à entendre des musiques à redécouvrir de compositeurs méconnus ou oubliés. Certes, la tâche n’est pas facile, il faut convaincre les interprètes, et le résultat n’est pas toujours à la hauteur…
Mais, cette année, l’un de ces choix judicieux s’est porté sur l’unique opéra d’Ernest Bloch, un Macbeth en français créé à l’Opéra-Comique en 1910 et aussitôt tombé aux oubliettes. Du compositeur, un Suisse né de père horloger (ça ne s’invente pas) et émigré à New York en 1916, on n’a, hélas, retenu que le célèbre Schelomo, rhapsodie hébraïque pour violoncelle et orchestre ; mais c’était oublier un peu vite une Symphonie (1903), Trois poèmes juifs (1913), un Concerto pour violon (1938), deux Psau-mes (1913/14), la symphonie avec solistes Israël (1916), le Service sacré pour solistes, choeur et orchestre (1913), cinq Quatuor à cordes (1916) deux Quintette avec piano (1923/59), de la musique de piano et ce Macbeth de jeunesse qui, à sa création, fit sensation.
Marqué à ses débuts à la fois par Debussy et Wagner, le jeune compositeur est avide de nouvelles sonorités lorsqu’il s’attèle à cet opéra d’après Shakespeare, « composé dans les bois et les montagnes de la Suisse. J’avais 25 ans. Pendant une année, je me suis plongé dans le poème. Je l’ai vécu, j’en ai rêvé.« Superbement servi par un livret du grand poète juif Edmond Fleg, qui adapte et traduit le dramaturge anglais, Bloch compose une partition étonnante qui, paradoxalement, doit peu à ses maîtres et annonce un style ciselé à l’extrême, d’où sont exclus le leitmotiv et les vieilles ficelles romantiques. Quittant les marécages du pathos wagnérien, la musique suit les contours de la voix avec une grâce et une tension qui évoquent le chant de Pelleas et Melisande (Debussy) et celui d’Oedipe (Enesco), un ouvrage dont Fleg sera également le librettiste, vingt-six ans après ce Macbeth. Créé quatre ans avant la Première Guerre mondiale, dans les brumes délétères de l’antisémitisme, l’ouvrage avait peu de chance d’être de nouveau à l’affiche d’un opéra français, allemand ou italien… Il fallut attendre la fin des années 60 pour une reprise genevoise, et quelques années de plus pour qu’il revienne en France. Macbeth serait-il définitivement débarrassé de ses sorcières ?
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Ernest Bloch, Macbeth Lafont, Hatziano, Marlière, Trussel, Bladin, Choeur de la radio-télévision de Riga et Orchestre philharmonique de Montpellier Languedoc-Roussillon, dir. Friedemann Layer
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