Son premier EP avec son ancien groupe Tandem est sorti en 2001. Six albums solos en indépendant, plusieurs mixtapes et projets plus tard, Mac Tyer propose « Je suis une Légende », son premier album sur le label de Maître Gims. Aujourd’hui, ce jeune vétéran du rap goûte au début de la reconnaissance professionnelle tout en traversant une terrible épreuve personnelle. Interview.
Comment est né le titre « Je Suis Une Légende » ?
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Mac Tyer – Lorsque j’ai signé chez Monstre Marin, j’ai réfléchi à toutes les époques que j’ai traversées, tous les moments difficiles… Mais aussi tout ce que j’ai pu apporter au rap français. Je me suis dit que j’allais appeler mon album Je Suis Une Légende. C’est une manière de leur dire que « cet artiste que vous écoutez aujourd’hui il a plein de classiques et de gros titres derrière lui. » C’était important pour moi de le rappeler. C’est même bizarre d’avoir cette exposition après autant d’années de carrière. Je pense que c’est un cas de figure unique dans son genre, même aux Etats-Unis…
A voir, mais en effet, tu as quinze ans de carrière et « Je Suis Une Légende » est ton premier album en major !
C’est une trajectoire atypique mais c’est mon destin… Je pense que cela devait se passer comme ça pour que ce titre prenne toute sa signification et qu’il ne soit pas contesté. Lorsqu’ils écouteront l’album, les gens qui me suivent depuis toutes ces années seront fiers de moi. Ils pourront dire : « regarde ce mec, cela fait dix-quinze ans que j’écoute ces sons, il est encore là à amener des nouveaux trucs, des bons trucs alors qu’à côté il y a du rap qui part en couilles. »
Plusieurs fois dans l’album tu dis des phrases comme « je suis un vétéran miraculé », « le succès m’attend », « le général est toujours là »… Tu prends ta revanche ou tu restes dans l’état d’esprit de ton premier solo « Le Général » ?
Je suis en mode « Général ». Parfois, je dois taper du poing sur la table. C’est important que je dise par quoi je suis passé pour en arriver là. Il ne faut pas regarder que la finalité. Il faut partager la douleur de l’artiste pour comprendre ce qu’il dit.
Tu reviens beaucoup sur le soutien de Maitre Gims…
Au niveau auquel il est actuellement, me signer a été une vraie prise de position. Tout le monde dans le rap ne montre pas l’exemple de la sorte. Gims a compris ma volonté de faire avancer les choses à notre manière. C’était normal pour moi de rejoindre Monstre Marin. Il est normal que j’amène ma pierre à l’édifice.
Peux-tu nous parler du premier single avec Gims, « Laisse-moi te dire » ?
J’ai tellement eu l’habitude de surprendre mon public que c’est devenu ma marque de fabrique. Je pense que c’est une des clefs du succès de cette chanson. Le titre est d’abord sorti en mode fuite sur YouTube. J’ai pu observé les réactions des gens de la base Hip-Hop. Par exemple j’ai vu un message de Kertra d’Expression Direkt qui avait apprécié et capté le message. Je me suis dit que c’était très bon signe. Ce sont des singles que j’ai envoyé d’en bas et qui sont montés très hauts.
« Laisse-moi te dire » est ton premier single qui tourne sur Skyrock. Qu’est-ce que tu ressens ?
Et je suis rentré aussi sur NRJ ! Le morceau avec Gims a été tabassé sur NRJ et Skyrock. C’est incroyable ! En ce moment j’ai deux morceaux en playlist sur Skyrock, on me passe comme si j’avais vendu 300 000 albums ! Après je ne ressens rien du tout. Lorsque tu fais des gros sons qui passent en radio, cela touche des gens qui sont tellement loin de ton cercle que tu ne le ressens pas dans ton quotidien. Sur ce single j’ai communiqué d’une manière différente : je voulais vraiment montrer que j’étais un artiste. Je veux mettre en avant la culture face à l’inculture. C’est pour cela que j’ai mis en avant mes singles et pas des morceaux street. Je voulais proposer des titres capables de fédérer le maximum de personnes pour écouter mon discours. Je ne suis pas là pour entraîner les gens dans l’inculture et proposer un album qui ne va même pas être respecté. J’ai compris depuis longtemps que j’avais besoin de grosses machines pour appuyer et relayer au plus grand nombre ma fibre artistique. En indé, c’est limité, tu n’arrives jamais à atteindre la masse. Dés 2010 je sortais un titre comme Obama Said qui était déjà pour atteindre le grand public.
Comme à l’époque lorsque tu avais sorti ton morceau électro ?
Voilà ! Mon morceau ils (son ancien label Because, ndlr) l’ont bâclé !
https://www.youtube.com/watch?v=YSfeTwZEAMA
Tu penses que si tu l’avais sorti quelques années plus tard ou en major cela aurait pris ?
Oui en major je pense et même à l’époque ça allait prendre. Il y a eu des détracteurs, mais les gens, les vrais auditeurs, pas des fans de rap français, le public lambda a pris ce morceau pour aller en vacances etc. C’est les mecs un peu « sac à dos » qui n’ont pas kiffé ! (Rires)
Peux-tu parler de la chanson « Hier Encore » avec ton frère Bigou ?
C’est une chanson avec mon frère disparu. [Il marque un long temps d’arrêt] C’est une très grosse tragédie dans ma vie. Ce n’était pas que mon frère, tout le monde le sait. Tout les gens qui ont eu l’occasion de le connaître savent que Bigou n’était jamais très loin de moi. Je ne sais même pas comment je peux avoir la force de surmonter cela pour aller jusqu’au bout. On se bat parce qu’il est mort dans des conditions très bizarres. On est en train de se battre pour rendre justice à mon frère.
Où en êtes-vous ?
On ne peut pas en parler. On avait ouvert une enquête dès le premier jour, dès la constatation du décès. Je sais qu’il y a des familles qui ont déjà vécu cela mais qui n’ont pas eu l’occasion d’avoir le répondant que nous avons. On va mener un combat pour nous et toutes les familles qui ont perdu des proches dans des conditions suspectes dans les hôpitaux. On a dit qu’on allait bientôt faire une marche. A cause de la procédure qui est entamée on patiente mais cela ne va pas tarder.
Tu as aujourd’hui les passages radios et la reconnaissance d’un plus grand public. Dans l’outro de l’album tu parles d’une « victoire amère ». Pourquoi ?
C’est dégeulasse ! Peut-être que maintenant que cela va marcher tout ça n’a plus de valeur pour moi. Si demain ça marche, la première chose que l’on va se dire, mon frère et moi c’est « ouais mais Bigou n’est pas là ». Parce que ce n’est pas que mon combat, c’est celui de mes frères et moi. Nous étions tous les trois : ils étaient mes associés. On était tous ensemble, on se battait. [Il marque un long silence] C’est très dur. Nous sommes une famille, il y a les vivants encore. Il a quatre enfants, mon petit frère. On a un combat à mener, on ne va pas se laisser aller. Tout ce qui reste c’est sa mémoire, l’amour qu’on lui porte et ses enfants. Il voulait que son frère casse tout ! Je ne peux pas lâcher. Si je lâche, je ne respecterai pas sa mémoire. Je dois me faire violence, je dois me battre jusqu’au bout.
Propos recueillis par Sindanu Kasongo
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