Avec « Salad Days », son troisième album faussement négligé, Mac DeMarco explose calmement les frontières du rock indé. Ne cherchez plus où est le cool.
Au moment où vous attaquez la lecture de ces lignes, Mac DeMarco se réveille certainement de l’une de ces nuits d’ivresse qu’il prend plaisir à détailler au cours de ses concerts. Tous les ans depuis 1990, le dernier jour d’avril coïncide avec l’anniversaire du Canadien. Et, en 2014, DeMarco a au moins vingt-quatre bonnes raisons de se dégommer la tête avec encore plus de puissance que d’habitude.
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Ascension constante
Son troisième album sorti début avril se fond gracieusement dans les courbes d’une discographie déjà indispensable. Mieux encore, Salad Days semble bien parti pour propager la notoriété du kid d’Edmonton au-delà des festivals hype qui se battent pour le programmer depuis une paire d’années. Les deux premiers albums de Mac DeMarco (Rock and Roll Night Club et le bien nommé 2) lui ont permis d’empiler les dates dans le monde entier. Mais c’est sur son territoire, au Canada, qu’on est allés le rencontrer fin 2013. Ce soir-là, DeMarco apparaît fatigué.
Mac vient tout juste de boucler l’enregistrement de son troisième album et sa tournée marque un stop à Montréal. Une heure avant de monter sur la scène du Club Soda, il nous accueille dans la pénombre de sa loge, les traits tirés, une casquette délicatement posée sur une masse de cheveux que l’on devine poisseux. Sa main droite serre une bouteille de bière à moitié vide, la gauche nous tend une Molson tiède en guise de bonjour :
“On vient de rentrer d’une tournée en Europe et on a encore quelques dates au Canada avant de décoller pour l’Asie et l’Australie. Heureusement qu’on a pris de l’avance pour finir d’enregistrer le nouvel album ! Je suis complètement crevé mais aussi hyperexcité de jouer ici. J’ai quitté la ville il y a plusieurs mois pour m’installer à New York et me rapprocher de mon label mais c’est à Montréal que les choses se sont accélérées pour moi.”
Quelques minutes après l’interview, Mac DeMarco claque un concert d’une classe et d’une connerie irrationnelles. A chaque apparition, le musicien sort des sons inconnus de sa guitare rafistolée, obtenue contre 30 dollars canadiens quand il était lycéen. L’animal tire aussi beaucoup la langue, superpose des reprises de Weezer et de Metallica, encourage ses musiciens dans des pratiques sexuelles qui dépassent largement les limites de l’exhibitionnisme… Il paraît que la formule intégrale n’est livrée qu’à Montréal.
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La ville n’est pourtant qu’une simple étape dans l’histoire migratoire complexe de Mac DeMarco. Vernor Winfield McBriare Smith IV est né à l’autre bout du Canada, à Duncan, petite ville de Colombie britannique. Sa mère, Agnes DeMarco, déménage rapidement à Edmonton et c’est dans la capitale de l’Alberta qu’elle décide de modifier l’état civil de son fils afin d’éloigner l’ombre d’un père toxicomane et négligent. McBriare Smith s’efface alors des registres et McBriare DeMarco ne reverra son père que quelques fois dans la vingtaine d’années qui suivront.
Une apparence rudimentaire qui masque une virtuosité certaine
Après le lycée, Mac s’installe à Vancouver. Principalement pour dormir, faire de la musique et traîner en compagnie de son pote Alex Calder avec qui il monte le groupe Makeout Videotape. Les lascars sont rapidement repérés par le magazine en ligne Pitchfork et un petit label américain (Totally Disconnected) ose publier Ying Yang, un bon album dont les meilleurs morceaux seront repris sur Rock and Roll Night Club.
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Le premier disque de Mac DeMarco publié sous son nom débarque début 2012 chez Captured Tracks : trente minutes de tuerie mélodique trempées dans une production volontairement négligée. De bonnes critiques accompagnent ce succès d’estime.
Le musicien habite alors Montréal depuis un an et enchaîne les jobs alimentaires (manutentionnaire, testeur de médicaments…) pour payer ses sessions en studio. DeMarco sort vite 2, nouvelle grande demi-heure inspirée. Mis en lumière par un traitement sonore plus conventionnel, le disque empile les tubes comme Cooking up Something Good, Robson Girl, My Kind of Woman et cette merveille de ballade contemplative qu’est Ode to Viceroy.
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L’album propulse le gamin d’Edmonton sur les scènes du monde entier pendant une grosse année. Jusqu’à ce soir de novembre 2013, à Montréal, où il avoue sa surprise devant la ferveur qui caractérise ses concerts :
“Parfois j’hallucine quand je vois tous ces gosses surexcités qui montent sur scène pour se jeter dans la foule comme des dingues. Mais j’hallucine encore plus quand je vois les vigiles les virer sans ménagement. C’est un putain de concert, les mecs, c’est fait pour ça ! Je trouve cool de voir les gens perdre pied pendant les concerts.”
Cinq mois plus tard, Salad Days est enfin disponible. D’apparence rudimentaire mais sous influences précises (Lou Reed, Jonathan Richman), l’album dévoile des morceaux solaires (Salad Days, Blue Boy, Goodbye Weekend) avant d’ouvrir la porte d’ambiances cotonneuses beaucoup plus graves (Let My Baby Stay, Passing out Pieces, Chamber of Reflection). Seule constante depuis 2012, la virtuosité masquée de Mac DeMarco continue de réveiller le rock slacker en douceur.
Album Salad Days (Captured Tracks/ Differ-ant)
Concerts le 16 mai à Paris (Trabendo), le 17 mai à Nantes (Stereolux), le 16 août à la Route du Rock (Saint-Malo)
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