La tournée américaine des turbulents Liars vient tout juste de débuter. L’occasion pour nous de suivre cette épopée au travers des yeux de Karine, journaliste française accompagnant le groupe à travers les Etats Unis. Suivez ces aventures semaine après semaine. Début aujourd’hui avec son journal de bord, en photo, du 16 au 22 mai, de New-York à Atlanta.
Le début d’une tournée s’apparente à 2 moments familiers : Un départ de vacances en famille et une rentrée des classes. Comment ça va ? Qu’est-ce que t’as fait ? Tu t es coupé les cheveux ? On n’a rien oublié ? À quelle heure on part ? Un peu fébrile, on s’observe, se renifle, prend ses marques, bien conscient qu’on ne pourra s’échapper les uns des autres que très rarement dans les prochaines semaines.
Les protagonistes de la virée :
– Angus, chanteur (chef de la horde)
– Aaron, guitariste, batteur.
– Julian, batteur,
– Paul, tour manager (père de la horde)
– Jeremy, ingé du son.
– Moi, la Frenchy, Merch girl.
Chaque soir, je chargerai et déchargerai mes caisses, compterai, vendrai, recompterai T-shirts et CDs. Déjà de la fête en février/mars pour une tournée européenne enneigée, je n’ai pas hésité avant de re-signer pour le trip USA. On ne change pas une équipe qui gagne.
Comment suis-je arrivée là ? Après avoir été un soldat dévoué de maisons de disques pendant de (trop) nombreuses années, l’envie de liberté m a étranglé, j’ai déserté. Amie de Paul, je n’en suis plus à mon tour d’essai, presque une vendeuse expérimentée!
Elément central de l’histoire, il me faut aussi placer 2 mots sur notre van. Attendu avec impatience, l’engin nous arrive de la côte ouest. Il sera notre repère pendant 45 jours, le moment est grave. Bonne surprise, le véhicule se révèle neuf : air conditionné, sièges confortables et inclinables, lecteur DVD et console de jeux.
2 règles à respecter en ce lieu :
– pas de cigarettes
– pas d’arrêt répété une fois la machine lancée. (On prend ses dispositions)
17 MAI : DEPART POUR WASHINGTON
La date de Philadelphie est annulée. Une journée de glande à New York n’est pas des plus recommandées pour des rockeurs fauchés. Nous partons donc aujourd’hui pour Washington. Derniers préparatifs : Mute pour récupérer des CDs, Brooklyn pour un achat d’une tête d’ampli et quelques morceaux de batterie. Un sandwich, des magazines people, des heures d’embouteillage et nous voici enfin sortis de l’enfer de la city. Début officiel de l’aventure.
Paul, Jeremy et Julian ont dignement profité de leur soirée de liberté. Leur mal de cheveux est presque palpable. Paul, habitué à avaler des kilomètres sans broncher, a aujourd’hui beaucoup de mal à tenir le cap. Angus prend le volant, trop inquiet de constater que notre van sort trop souvent des lignes tracées.
Constat de ce dernier après l’expérience :
« Aux US, on ne te dit jamais vraiment la vérité. Quand la vitesse est limitée à 55 miles /h, il ne faut pas la respecter, personne ne roule à cette vitesse et tu emmerdes tout le monde si tu le fais«
18 MAI : WASHINGTON
Première nuit de motel, sûrement pas la dernière. Brûlures de cigarettes sur les rebords de baignoires, lits énormes, odeur de mauvais désinfectant et ô combien frustrant, pas de télécommande pour la TV. Ambiance de bord de Highway, kilomètres de baraquements nourriture 24h/24h. Des familles de sud américains vivent ici à l’année, glauque.
Premier Taco Bell, hamburger, pancake.
Jet Lag quand tu nous tiens’Premier réveil à 5h du mat. 8h00, impossible de rester coucher. Mais mon léger décalage horaire n’est rien face à celui des gars qui ont, avant d’arriver ici, joué en 15 jours, par ordre chronologique, en Pologne, en Italie, en Australie et en Angleterre. De quoi déglinguer toute bonne horloge biologique.
Un peu de Trash TV (les matinées y sont entièrement consacrées sur toutes les chaînes) arrosée de café pâle à pleurer, Il va falloir s’y habituer.
Escapade à Washington pour visite touristique : Maison Blanche et tout le toutim. Premier concert avec le groupe qui nous accompagnera toute la tournée, amis de longue date des Liars : The Apes et leur tout nouveau chanteur Brett (www.theapes.com)
19 MAI : CHARLOTTESVILLE – VRIGINIA
La moiteur gagne l’air. Charlottesville est une college town qui sent bon la douceur de vivre et le pop-corn. Sa rue centrale grouillante est envahie par les terrasses et les guitaristes de (mauvais) blues.
Concert organisé par une petite équipe super motivée dans une vieille salle de ciné indépendante, le Jefferson Theater (Houdini s’y est produit dans les années 20).
Pas de bol 1 : le concert est prévu après la projection d’un film et ce soir, c’est King Kong (nouvelle version), plus de 3 plombes. Ouverture des portes prévue à minuit.
Pas de bol 2 : c’est le week-end de « graduation ». Les étudiants fêtent leur fin d’exam, plus une chambre d’hôtel de libre en ville. Plus d’1h de route nous attend après le show.
Pas de bol 3 : le van des Apes tombe en panne à 80miles de l’arrivée (Nous ne sommes qu’au troisième jour de tournée, ça promet !) Après une heure d’interrogation, l’engin comme par magie redémarre. Les Apes joueront ce soir.
Moment excitant de ma journée : une livraison de 3 caisses de nouveaux T-shirts. 2 nouveaux modèles. Julian est aussi impatient que moi de découvrir la nouvelle « collection ». Il est le principal créateur et responsable de fabrication des T-shirts.
Public très imbibé. Fin concert 2h30
Arrivée dans notre chambre à 4h30. Tout le monde a commencé sa nuit dans le van. Paul m avoue le lendemain matin que lui aussi s’endormait durant le trajet. Il conduisait
20 MAI : CARRBORRO ? CAROLINE DU NORD
Soleil de plomb, humidité compacte, les tongs sont de sortie. Hôtel avec piscine ! Bien entendu pas le temps d’en profiter.
Nous sommes conviés à un barbecue chez l’attachée de presse américaine. Récemment installée dans une grande maison avec jardin, après 9 ans passés à New York, elle s’occupe des Liars depuis day one. Hamburgers et piqûres de moustiques pour tout le monde.
Un court moment de détente et nature. « Pitchfork » attise les discussions. Le site musical est devenu en quelques années le baromètre tout puissant de la carrière des groupes aux USA. Organisateurs de concert, magasins de disques, magazines majeurs suivent apparemment les yeux fermés l’avis de leurs chroniques.
En février, dès qu’ils le pouvaient, les Liars le consultaient, nerveux de la sanction qui les attendait pour leur troisième essai. Leur 9 sur 10, une top note pour le site, est sûrement un des déclencheurs de cette longue tournée. Des sujets plus importants comme le divorce de Paul Mc Cartney ou le mariage de Liza Presley prennent vite le relais. Véritables encyclopédies people, Angus et Aaron sont des sources d’infos intarissables.
Les Deerhunter d’Atlanta nous rejoignent pour quelques dates. Plus on est de fous, plus on rit.
Comme pour beaucoup de groupes ricains, pas d’hôtels au budget de nos 2 premières parties et malgré les annonces répétées au micro « on cherche un endroit où dormir », ce soir pas d’âmes charitables pour les loger. Ils nous suivent à l’hôtel et s’entassent à 9 dans 2 chambres. Avec nos 3 chambres par soir, nous sommes les nantis de cette virée.
Demain 6 heures de route pour rejoindre le Tennessee.
21 MAI : KNOXVILLE – TENESSEE
Départ midi.
Bad news, le téléphone portable de Paul a disparu. Les check-in/check-out d’hôtels et load-in/load-out des salles ont au quotidien de quoi déboussoler le cerveau le plus organisé. Le mystère restera complet
Quelques épisodes de Twin Peaks, arrêt fast food, quelques épisodes de Twin peaks, arrêt station service.
Achat des plus excitants pour Julian : NBA live 6 pour Xbox
Achat des plus excitants pour Karine : 3 boîtes en plastique pour ranger mes T-shirts
Le DVD Twin peaks est rangé, le basket prend sérieusement le pouvoir à l’arrière du van. Julian et Angus scotchent.
Traversée des Smokey mountains. Pour nous : une plaisanterie, pour les 2 combis fatigués plein à craquer qui suivent : lent et compliqué.
Knoxville est incroyable. Le petit club délabré (sans backstage) se situe dans le centre historique, en ce dimanche, totalement désert. Un véritable décor de western qu’on aurait oublié de démonter. Le public est aussi à mentionner. Rouflaquettes, barbes, chemises à carreaux. Un endroit authentique qui sent la sueur et où l’interdiction de fumer n’est sûrement pas programmée. C’est officiel, nous sommes loin de la chic côte Est.
Chapeau bas aux Liars qui chaque soir se donnent avec la même ferveur.
22 MAI : ATLANTA – GEORGIA
Après 5 heures de route, plus le temps de passer à l’hôtel. Direction la salle où les Deerhunters et Apes nous attendent déjà, nous sommes en retard.
La tête d’ampli achetée à New York empeste le cramé depuis le premier jour, détour par un supermarché de la guitare où plus d’une trentaine de chevelus gratouillent dans un capharnaüm insensé.
Les Apes ont une maison d’accueil à Atlanta, ils ont conduit toute la nuit et y sont arrivés à 6h ce matin. Chaque jour, ils me demandent comment était notre hôtel, je me sens de plus en plus gênée, vaguement coupable. Ma réponse reste évasive : « nice«
Le concert finit tôt, à minuit nous sommes prêts pour l’hôtel. Un groupe de dissidents se forme. Aaron, Jeremy et moi ne voulons pas regagner nos quartiers dans la foulée. C’est l’anniversaire de Brad, chanteur des Deerhunter (24 ans) nous optons pour un dernier verre dans un bar du quartier. Rendez-vous pris pour un petit déjeuner de spécialités locales dans l’East side.
Biscuit = arrosé de béchamel,
Grits = bouillie genre blédina,
Le tout légèrement écoeurant …
Stress de la matinée : déambuler dans l’ East side d’Atlanta à la recherche d’un taxi. Nous avons l’air d’extraterrestres dans le quartier et ici les points américains sont en vente dans les stations service. Alpagués toutes les 5 minutes, on la joue profil bas et accélère le pas. Retour à l’heure pour le grand départ.
Après l’attente habituelle de Julian et Angus, room-mates des plus casaniers, premiers couchés/derniers levés, c’est parti pour la traversée de l’Alabama et du Mississipi, 800 kilomètres qui nous mèneront à Baton Rouge.
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