La tournée américaine des turbulents Liars se termine. Découvrez ici le dernier compte rendu de Karine, journaliste française accompagnant le groupe à travers les Etats Unis. Sixième et dernier épisode aujourd’hui avec son journal de bord illustré du 21 au 26 juin, de Toronto à New York?
On attaque la dernière semaine.
Temps orageux.
Passage de la frontière canadienne II, le retour.
Des flics partout. On nous trimballe, on nous parle mal.
Totalement Kafkaïen.
– Vous ne pouvez pas fumer dehors. En fait si, mais pas ici, là bas.
– Vous ne pouvez pas vendre de T-shirts chez nous. En fait si, mais passez au guichet D.
– Vous avez besoin d’un permis de travail, en fait non.
Dernier agacement : nous sommes invités à rejoindre les 38 tonnes pour négocier et payer des taxes sur notre maigre chargement de T-shirts et CDs.
L’humeur de la troupe a la couleur du ciel.
« Mais pourquoi se fait-on chier à venir jouer ici ? »
L’âge limite pour la consommation d’alcool est, au Canada, de 19 ans. La salle est, ce soir, interdite aux « Under age ». Aaron a promis à une bande de copains de 16 ans (qui avait demandé de l’aide via un email) de les faire entrer. Les gamins pas malins attendent depuis plusieurs heures devant le club quand nous arrivons. Ils ont l’air d’avoir 12 ans, et ont été repérés par le cerbère de la salle. Plus moyen de négocier ou évoquer de la famille éloignée, la régisseuse nous briefe : ILS NE RENTRERONT PAS. Paul ne s’avoue pas vaincu. Il dégote une « back door » et synchronise sa montre avec les gosses. Dans le noir, pendant le set des Apes, ils rentreront. Punk un jour, punk …
La fatigue accumulée affûte le cerveau dans sa recherche de repos.
La petite banquette à l’arrière du van ayant ces derniers temps bien trop de prétendants, on innove et inaugure un nouvel emplacement où s’étendre: Entre les 2 rangées de sièges. Pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt ? Penser à piquer un ou deux oreillers et ce sera parfait.
Gyrophare et sirène II, le retour.
Qu’a-t-on cette fois ? Rouler trop vite.
Hein ? Mais tout le monde nous doublait !
Le fameux effet du mystérieux van noir
Le permis périmé de Paul passe la seconde couche.
2 solutions nous sont proposées :
1/ Un PV de 450 dollars et la confiscation du van. (ça va pas être possible)
2/ Un changement de chauffeur
?!? Peut-on tout de suite opter pour la 2 ?!?
Les gars me poussent littéralement vers le flic « Vas lui parler en Français, vas ! »
Bonjour Monsieur, Merci Monsieur, Au revoir Monsieur. Trop sympas ces québécois !
Je prends le volant.
Pas de GPS au Canada, retour aux bonnes vieilles cartes papiers. Champion incontesté des directions : Angus.
Public beaucoup moins passionné qu’à Toronto.
Je suis heureuse de pouvoir parler français, mais à peine un mot prononcé, on me taquine sur mon accent. Décidemment
Nous repartons dès ce soir sur le sol américain pour dormir dans le Vermont, véritable forêt enchantée où animaux (daims, moufettes) sortent des fourrés de tout côté.
Des kilomètres d’embouteillage sous une pluie orageuse diluvienne, nous sommes à la bourre comme souvent ces derniers jours. Je n’arrive pas vraiment à l’expliquer car Paul fatigué, ne s’arrête pratiquement plus. Tintin pour les encas et repas’on crie famine en silence.
Je n’ai plus que des T-shirts pour filles à vendre. Le fournisseur a merdé, pas de livraison prévue avant demain si tout va bien.
Club à 2 salles.
Grande salle : les Liars, petite salle : Buffalo Tom.
Dans les parties communes, curieux chassé-croisé d’un public Liars « arty » souvent de petit gabarit et celui des Buffalo Tom, plutôt format XL en short, socquettes et casquettes.
Pluie tropicale, taux d’humidité dans l’air : 200%. Embouteillage.
Stressomètre dans le rouge :
Rejouer où tout a commencé n’est pas des plus aisées. Totalement branché sur leur premier album, passablement boudé sur leur second, le groupe retourne dans cette ville qu’ils ont depuis un moment quittée avec une aura de « hype » retrouvée.
The Varsaw se situe dans le quartier polonais. Ce joli théâtre sent étrangement les dîners de mémé. Chou et saucisse. On y prépare des assiettes de spécialités à déguster, avant, entre ou après les concerts, arrosées de bières du pays.
Pas un mot d’anglais pour nombres des employés : Quand on dit quartier polonais, c’est pas pour plaisanter.
Les copains se sont déplacés. Steve Revitte, leur premier ingé son (qui sera finalement de la partie pour les prochains concerts ricains), Les Yeah Yeah Yeah, et !!! sont réunis.
Salle blindée et ovation dès apparition.
Public certes poseur, mais chaleureux et crieur.
Fin du show, le trio est d’accord : Ce n’est plus comme avant, Brooklyn c’est fini.
Il y a quelques années, on s’y éclatait en tout ingénuité. Le succès de nombre de groupes a rendu le quartier branché. L’innocence a fait place à l’arrogance. Un film « kill your idols » sort le 7 juillet pour immortaliser et du même coup dater ce moment d’énergie passé ?
Fiesta prolongée dans les loges.
Il semble que l’entière côte Est ne soit qu’embouteillage. La pluie ne s’arrête toujours pas. Les aéroports de New York sont fermés.
Les camions mastodontes perchés sur leurs 20 roues n’ont que faire des routes inondées. Ils doublent à une vitesse irraisonnée des voitures qui s’en retrouvent totalement immergées. On m a raconté que leurs chauffeurs aux heures de conduite non réglementées étaient tous défoncés au speed et amphés. Ce pourrait être vrai
Le trio Celebration se joint à nous. Invité à partager l’entière tournée, il a préféré opter pour l’Europe avec les Yeah yeah yeah. Sans rancune, ce sera juste pour une soirée.
Autre connaissance du coin :
Les Wilderness qui ont partagé cet hiver 5 dates en Allemagne avec les Liars.
Concert de dimanche soir, un rien clairsemé. Après la vitalité de la veille, morosité?
Le grand soir. Dernier concert dans la Big Apple.
La salle : The Avalon.
Ancienne église, précédemment connu sous le nom de « Limelight », night-club totalement décadent de la fin des années 80.
Angus n’a pas envie. Sur scène, il ne bouge pas, ne pipe pas mot, enchaîne les morceaux. Julian et Aaron s’interrogent du regard. Personne ne sait expliquer ce qui dans sa tête est entrain de se passer. Le public peu démonstratif mais attentif ne se rend compte de rien. Impressionnant même quand statique, le géant reste charismatique.
42 jours de chambres d’hôtels, villes, clubs et concerts
des milliers de kilomètres
des centaines d’hamburgers et bières,
des dizaines de moments d’agacement et épuisement, mais aussi de fous rires et petits délires :
La tournée est terminée.
Demain, chacun repart de son côté.
Difficile de se quitter.
Mais la fin de la routine forcée sonnée, l’envie de liberté est farouche.
Angus pressé de décamper et sorti porter quelques caisses au van, se voit refuser la réentrée dans le club. De quoi écourter toutes civilités’
Les Liars ne sont pas prêts de re-planifier ici une tournée. J’ai bien fait d’en profiter et ne peux que saluer et admirer la volonté qu’il leur a fallu pour endurer cette épopée.
Tendres pensées à mes copains les Apes.
Pour moi, pas de changement, contre vents et marées, je suis toujours viscéralement et tendrement attachée au pays de la bannière étoilée. Mon périple n’est pas fini, me reste à traverser une fois de plus l’énorme contrée pour ramener le van en Californie, mais là commencent mes vacances et c’est une autre « story » !
THE END !