Tout les garçons et les filles de son âge n’auront pas la joie de se voir offrir un aussi joli bouquet de rééditions. S’il est souvent question de départ, de fuite et d’adieu dans les chansons de Françoise Hardy – et particulièrement sur ce mythique quinte d’albums des années 67-72 enfin réédités -, l’hypothétique ailleurs […]
Tout les garçons et les filles de son âge n’auront pas la joie de se voir offrir un aussi joli bouquet de rééditions.
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S’il est souvent question de départ, de fuite et d’adieu dans les chansons de Françoise Hardy – et particulièrement sur ce mythique quinte d’albums des années 67-72 enfin réédités -, l’hypothétique ailleurs n’a jamais été pour elle qu’une volonté d’absence. N’y être pour personne, se retirer du jeu, se soustraire du monde palpable jusqu’à l’effacement pur et simple : on ne louera jamais à leur juste grandeur ceux ou celles ayant de l’existence cette estime qui les invite à n’en jamais trop faire, notamment en fuyant toute tentation de n’être que dans le regard des autres. Le petit cirque des « copains », où elle fut enrôlée malgré elle, tour à tour comme grande godiche timide puis comme égérie ombrageuse, n’aura ainsi jamais entamé la farouche indépendance de Françoise Hardy, cette étrangère à tous les tumultes, à tous les combats. On lui reprochera par exemple de n’avoir pas pris part à Mai 68, alors qu’elle goûtait à ce moment- là des vacances en Corse avec Dutronc- contre qui il ne sera retenu, sur le même sujet, aucun grief. Bizarrement coupée du monde et des transistors, dressant ses propres barricades à la face d’un business de plus en plus vorace.
Elle, elle aura toujours eu l’élégance de s’en foutre – jusqu’à ces dérapages récents sur Le Pen qui la rendirent soudainement plus quelconque-, n’attachant d’importance qu’à cette fugue immobile, façon immersion de sirène : en queue de poisson. Cinq albums en six ans, comme un trop-plein avant le grand vide, comme si Françoise Hardy songeait déjà à cette retraite d’ermite qu’elle ne prendra pourtant jamais complètement, trouvant toujours des Daho ou des Blur à sa porte pour la supplier de remettre à plus tard son mot d’excuse définitif. Cinq disques où l’on croise d’autres fugueurs illustres – Gainsbourg, Modiano – qui forment une seule et longue chronique du temps figé, enveloppé dans cette écriture en pure dentelle, suspendu à la grâce d’arrangements tantôt capiteux – orchestre à cordes, trompettes luxuriantes -, tantôt subliminaux, toujours sublimes. Et s’il n’en fallait garder qu’un – pour l’île déserte vers laquelle ces plages nous auraient conduits -, alors ce serait La Question, ce chef-d’œuvre méconnu que Françoise Hardy enregistra en 71 avec la guitariste et compositrice brésilienne Tuca, et sur lequel une phrase glanée au hasard a valeur de symbole : « Je ne sais pas pourquoi je reste. «
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