Les talentueux mais trop discrets Américains sortent un dixième album qui célèbre le rock et leurs origines sudistes. Pour le plaisir, tout simplement.
Le destin du blues et du rock se joue parfois sur des routes striées de marques de pneus brûlés ou des carrefours poussiéreux. Robert Johnson y vendit son âme au diable contre une maîtrise inégalée de la guitare dans une déclinaison afro-américaine du mythe faustien. Britt Daniel, leader de Spoon, a lui aussi rencontré Lucifer. L’ange déchu l’attrapa du regard, paresseusement étalé sur le canapé du musicien ; tel un reflet lascif et inquiétant de sa propre incapacité à aller de l’avant, de sa solitude et de ses doutes créatifs.
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L’anecdote qui donne son titre à ce nouvel album de nos “perdants magnifiques” du rock indie US fait écho à un changement musical réel pour le groupe. Avec ce dixième LP, Spoon délaisse sa pop enflammée, aussi brute que belle, pour un rock des origines : impeccable, direct et fun.
Simple, immédiat, touchant
À part le manque de reconnaissance du grand public, il n’y avait pourtant pas grand-chose à retoucher à la riche histoire du groupe s’étalant sur plus de quatre décennies (si ce n’est pas déjà fait, jetez donc une oreille sur l’excellent Kill the Moonlight, pour ne citer que lui). Délaissant l’approche plus electro de Hot Thoughts, dernier LP paru en 2017, Spoon s’offre un véritable retour aux sources.
Britt Daniel a d’ailleurs quitté Los Angeles, où il était installé depuis des années, pour revenir sur Austin à l’automne 2019. Enregistré au cours des deux dernières années dans la capitale du Texas et ville natale du groupe, aux côtés de Jim Eno (batteur, fidèle complice, et seul survivant des débuts), Lucifer on the Sofa est un véritable plaisir rock.
Daniel décrit l’album comme étant “un son de rock classique par un gars qui n’a jamais saisi Eric Clapton”. On le comprend parfaitement. Simple, immédiat, touchant, le disque s’apprécie comme une chaude bourrasque texane en pleine face.
Leur talent de mélodiste, leur maîtrise du contrepied, tout est là, avec un surplus de guitares tranchantes sur ces dix morceaux à la carrure franche. C’est le Jon Spencer Blues Explosion sous Ritaline, c’est ZZ Top en duo avec Townes Van Zandt, c’est une franche réussite. On le répétera, tel un mantra, à chaque nouvel album du groupe : offrons-leur enfin le succès qu’ils méritent !
Lucifer on the Sofa (Matador/Wagram). Sortie le 11 février.
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