Elevés à la bouteille des Violent Femmes, ces Parisiens finissent par se noyer dans un verbe noir et cru. Dans les sphères jeunistes, pour recevoir comme il se doit l’album de Louise Attaque, on s’apprête à ressortir deux bons vieux épouvantails de la boîte à images d’Epinal : la chanson française à tendance réaliste et […]
Elevés à la bouteille des Violent Femmes, ces Parisiens finissent par se noyer dans un verbe noir et cru.
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Dans les sphères jeunistes, pour recevoir comme il se doit l’album de Louise Attaque, on s’apprête à ressortir deux bons vieux épouvantails de la boîte à images d’Epinal : la chanson française à tendance réaliste et ses héritiers rock-alternatifs. S’ensuivra un éreintage en règle, fort d’un argumentaire pseudo-savant où pêle-mêle Pigalle, Fréhel, Les Négresses Vertes (dernière mouture), voire Forguette Mi Note, tiendront les premiers rôles. Pas question ici d’adhérer à ce genre de discours : il s’agit bien de Louise Attaque et non de Blankass. Dès Amours, l’impression d’un disque live, enregistré en une seule prise, s’impose sans forfanterie et Louise Attaque bâtit sa singularité. Misant sur des petits riens de production mis bout à bout et une instrumentation frugale (violon, rythmique balais, guitare et basse acoustique), Louise Attaque appelle à la barre les cousins américains Passion Fodder et Violent Femmes , démolit le format « chanson écrite » et cède au charme d’une candeur spontanée. Loin des flonflons, sur ce violon acide et cette batterie riquiqui, appuyés contre un minimalisme primitif digne d’un Noir Désir en panne d’électricité, les textes suivent l’affliction d’une voix déraillée, égrènent un ras-le-blues sans cynisme (Savoir), prêts pour un combat des sens version Miossec allégé (Arrache-moi, Léa). Soit un goût cru pour le texte tartare, pour ces phrases qui claquent salement, plus Brel que grosse brêle : « Hier soir j’ai flashé sur la brune/Hier soir, j’ai navigué dans la brume/On est allés sur le quai s’enlacer/Ce matin ça donne/Donne-toi la peine de me regarder/Fais donc l’effort de te retourner » ou « Dans le même style de l’imposteur, on a celui qui pense avoir du cœur, une tête, une âme de voyageur, trop de mélanges, ça tue les couleurs. » Convaincants dans ces moments forts, le chant et les textes s’épuisent pourtant sur une moitié d’album. Pris au piège de la tristesse, ils entament alors une ronde pathétique et butent invariablement sur des impasses. Dans leur ombre, les recettes instrumentales s’enroulent dans ces répétitions de plaintes et ces épanchements de « c’est la vie », se figent dans des trames rigides et frôlent la monochromie maladive, là où un peu de couleur et de déglinguerie jazz-punk à la Violent Femmes auraient donné des airs de cabaret sauvage : « Je vis toujours des soirées parisiennes, mais je voudrais vivre des soirées brésiliennes. » Un aveu en forme de promesse pour le second album.
Marc Besse
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