De l’intouchable “Velvet Underground” à une discographie solo fondatrice, difficile d’isoler douze chansons de Lou Reed. Un crève-cœur, que cette sélection pour les 10 ans de sa mort.
I’m Waiting for the Man (1967)
Un gamin blanc qui attend son dealer dans ce qui était alors le ghetto black de Harlem : avec le premier album du Velvet Underground, et des chansons comme Heroin ou I’m Waiting for the Man, le rock passe en force dans l’âge adulte, se fait braquer son innocence au coin de Lexington et de la 125e rue. Alors que Dylan embarque pareillement le folk puis le rock vers un autre niveau de lecture, Lou Reed, lui, préfère le “je” au “nous” : il n’est pas commentateur, il est reporter. A hauteur des trottoirs new-yorkais.
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http://youtu.be/MOmZimH00oo
Sunday Morning (1967)
Ultime chanson enregistrée pour le premier album du Velvet, Sunday Morning sera l’exception pop d’un album aux sombres desseins. Un moment rare de candeur et de bien-être au milieu d’un carnage dans le noir : on raconte que Lou Reed haïssait, pour cette raison, cette chanson qu’il avait écrite pour Nico avant de se l’approprier en studio. Depuis quarante-cinq ans, Sunday Morning vit sa vie, maintes fois reprise ou utilisée par le cinéma et même la pub.
http://youtu.be/3qK82JvRY5s
Sister Ray (1968)
Godspeed You! Black Emperor : des rigolos. My Bloody Valentine : des puceaux. Symphonie vertigineuse pour bruit blanc et idées sombres, les dix-sept minutes de Sister Ray auraient été enregistrées en une prise sous “tranquillisant pour éléphant”. Le texte est à la hauteur : une partouze sous héroïne entre travelos et marins d’eaux troubles, interrompue par un raid de la police après un meurtre. On est loin d’Ob-La-Di Ob-La-Da.
Rock’n’roll (1969)
Texte et riff emblématiques du style Lou Reed : la morgue, le chien et la coolitude absolue de cette phrase de guitare ; la fulgurance en haïku navré d’un poème sur lequel beaucoup ont bâti leur vie : “sa vie a été sauvée par le rock’n’roll” bougonne-t-il, et ce n’est pas rien. Matrice du rock new-yorkais, ce riff changera mille fois de forme, entre les versions du Velvet (dont celle défoncée du 1969 Live) et celles en métal glacé de Lou solo (Rock’n’Roll Animal, 1974). Mais il reste largement en vie en 2013, par exemple chez les Strokes ou les Parquet Courts.
Pale Blue Eyes (1969)
Assis sur le canapé de cuir de Warhol, le Velvet a l’air jovial, juvénile : un comble pour un groupe qui remonte du gouffre. Mais le son, apaisé et chaud de ce troisième album semble confirmer cette impression : revenu du chaos et du vacarme, le Velvet ose là ses chansons les plus tendres et détendues, à l’image de ce Pale Blue Eyes murmuré par un Lou Reed sur fond de tambourin 1974, à l’Olympia, Paris livide. Immense album, trop souvent traité à la légère.
Walk on the Wild Side (1972)
Il faudrait être un sacré snob pour écarter le seul grand tube international de Lou Reed – déjà parce qu’il reste sans doute le tube le plus improbable, pervers et dingue de l’histoire de la pop, avec son carnaval de freaks, de déviants et ses références sexuelles qui ont pourtant fait fredonner “Doot-Doot-Doot-Doot-Doot” à la Terre entière ! Hommage aux personnages extravagants de la Factory de Warhol, cette chanson miraculeusement passée à travers les mailles de la censure était, elle aussi, méprisée par Lou Reed. Elle lui permit pourtant d’avoir carte blanche sur Berlin, son chef-d’oeuvre.
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