Fille et belle-fille de, actrice et mannequin… Le capital de crédibilité de Lou Doillon da ns la chanson était aussi mince que son tour de taille. Mais sa voix superbe et le parrainage d’Etienne Daho effacent tous les préjugés.
Avant de les faire entendre à Daho, tu jouais facilement tes morceaux aux gens ou était-ce une sorte de jardin secret ?
Au départ, il y a des années, j’éprouvais une vraie gêne à faire écouter mes chansons, c’était une occupation très solitaire. Plus tard, j’ai accepté de chanter devant les autres. A partir de là, ma guitare ne m’a plus quittée. J’ai chanté dans des squares, dans des bars au coin de la rue avec le père de mon fils. Je me trimballais à toutes les réunions de famille avec ma guitare, c’était devenu très naturel. Pourtant, malgré mon entourage familial, je n’ai jamais envisagé ça comme un métier. A la maison, je ne sentais pas cet esprit tribal que j’aime bien et qu’on retrouve quand on joue la musique avec des potes. Ma mère n’a jamais accompagné Charlotte au piano, nous ne faisions pas de la musique ensemble pour le plaisir. Moi, j’ai ce genre d’esprit et j’avais peur, en passant à quelque chose de plus professionnel, que ça devienne prétentieux, ou en tout cas trop important par rapport à la démarche initiale. Je répétais à tout le monde qu’il s’agissait juste de petites chansons, qu’il fallait les préserver comme telles. Je ne voulais pas non plus que ça coûte de l’argent, mais ça c’est une déformation qui me vient de mon père. Du coup, ça m’a soulagée que l’on fasse l’album en dix jours.
Tu craignais de perdre quelque chose en passant par un studio ?
J’avais peur que l’on trahisse l’aspect charmant et simple des demos. Je sais que ma mère angoissait aussi, elle avait peur que le résultat soit trop différent de ce qu’elle entendait dans la cuisine. Etienne pensait qu’on me demanderait de faire un album guitare/voix car à ses yeux ça suffisait. Il a même sans doute été un peu vexé et déçu qu’on lui demande de travailler sur une production plus étoffée. Une fois en studio, on a rajouté des éléments avec précaution, assez paranos à l’idée que la magie puisse s’évaporer. Ces chansons, je les porte depuis tellement longtemps que, de toute façon, je n’étais pas disposée à trop les modifier. Venant du cinéma d’auteur, avec notamment les films de mon père pour modèle, je voulais enregistrer comme on tournerait des plans-séquences, dans la continuité et non en chantant chaque mot séparément comme ça se fait couramment aujourd’hui. On tenait, Etienne et moi, à ces méthodes old school, sans effet sur la voix, sans effet du tout sur la musique.
Tu aimes cette simplicité chez les autres ?
C’est ce qui m’a toujours attirée dans la musique, je n’aime pas les choses trop élaborées. J’aime Dylan parce que les chansons ont l’air de sortir d’une traite, sans aucun artifice. C’est pour ça aussi que j’apprécie la démarche de toute la bande Devendra Banhart. Même si les chansons ne me passionnent pas toujours, je suis sensible au fait que la musique puisse rester aussi simple et naturelle. D’ailleurs, à peine l’album terminé, Etienne m’a dit qu’il fallait que je continue à écrire sur ma lancée, en conservant cette fluidité. J’aimerais même faire un autre album dans l’année, en tout cas très vite après celui-là.