A l’occasion de la sortie de leur album Sour Sick Soul,et avant leur concert parisien du 17 mars à la Maroquinerie, Los Chicros s’incrustent sur lesinrocks.com pour nous faire découvrir le clip de l’excellent single Diskonoise. Rencontre amusante et détendue avec deux apprentis-sorciers barbus.
Présents sur la compilation CQFD 2004 avec le titre Back in Wild, le quintet parisien Los Chicros était resté silencieux depuis la sortie de l’EP Too Cool For School en 2005. Les cinq bricoleurs nonchalants reviennent aujourd’hui avec un premier album raffiné et intense, Sour Sick Soul. Captivant.
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Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Philippe Monthaye : Nous nous sommes rencontrés au collège. Matthieu vendait le fanzine de son frère. C’était un spécial Queen, groupe que j’adorais à l’époque. Je l’ai abordé comme ça.
Matthieu Warsky : Au collège, tout le monde aime la musique, mais peu de gens la connaissent vraiment et ont une vraie écoute. Du coup, quand tu en rencontres un qui s’y connaît, il devient forcément ton pote.
Philippe : Avec Matthieu, nous étions des parias à l’époque. On vient de la banlieue de Versailles, de Viroflay exactement, et dans ce coin, il y a une très grosse culture reggae-funk. Nous ne nous sentions pas très proches de ceux qui écoutaient ce genre de musique. De l’autre côté, les autres étaient des rockers qui écoutaient U2 et Téléphone, ce qui n’était pas notre tasse de thé non plus.
Matthieu : À part nous deux, personne n’écoutait les Kinks par exemple. Pareil pour Bowie.
Ca s’est arrangé au lycée ?
Matthieu : Une fois arrivés au lycée, à Versailles, c’était encore pire. Je me suis fait virer au bout de deux ans, et je suis parti au lycée de Sèvres. J y ai rencontré des gens qui, comme moi, écoutaient des disques indé et lisaient les Inrockuptibles. A l’époque, si un mec lisait les Inrocks, il devenait automatiquement ton pote. C’est dans ce lycée que j’ai rencontré Olivier, notre guitariste, et Victor, notre clavier. Ils n’ont pas tout de suite intégré le groupe, mais nous étions heureux d’avoir enfin trouvé des gens avec qui faire la musique que nous aimions.
Comment l’idée de former Los Chicros a-t-elle germé ?
Matthieu : Au départ, cela nous semblait déjà assez naturel d’écrire nos propres chansons. Quand on a commencé à avoir de bons morceaux, on s’est dit qu’il fallait former un vrai groupe et faire des concerts.
Et où répétiez-vous ?
Matthieu : Dans ma chambre. Mes parents habitaient dans un pavillon en banlieue parisienne donc nous ne dérangions pas les voisins. Quand mon frère est parti faire ses études ailleurs, j’ai pris sa chambre, et ma chambre est devenu notre studio de répétition. Puis un jour, mes parents sont partis vivre en Allemagne. Je me suis retrouvé seul à la tête de cette maison qui est devenue un studio de répétition à plein temps pour plusieurs groupes, dont Syd Matters par exemple. Avoir un studio de répétition à la maison était un beau rêve, même si j’avoue en avoir eu un peu marre à la fin.
Quand avez-vous décidé de passer à l’enregistrement ?
Matthieu : Au lycée, nous ne faisions que des concerts. Puis, nous avons commencé à réfléchir aux arrangements, aux textures de son, et naturellement, à l’enregistrement. C’est là que nous sommes devenus Los Chicros d’ailleurs. Changer de nom était important parce que nous venions de passer à autre chose.
D’où vient ce nom ?
Philippe : En fait, chicro est une expression banlieusarde. Les chicros sont des mecs qui n’ont jamais rien, qui n’ont pas de thunes. Quand tu es étudiant, tu es souvent sur la paille, et comme le matériel de musique coûte très cher, nous avons été obligés de tout taxer.
Matthieu : En plus, nous avions vraiment un son de chicro car on enregistrait nos morceaux sur un quatre pistes qu’un pote nous avait prêté. Notre groupe correspond bien à la philosophie d’un chicro : un groupe qui n’a presque rien mais qui se démerde quand même.
Quels ont été les changements qui ont suivi la sortie de votre titre Walking Backwards sur la compilation I Hear Voices de Record Makers en 2002 ?
Philippe : Cela nous a permis de rencontrer notre producteur, Yann Arnaud. C’est aussi à ce moment là que l’on a commencé à envoyer des démos aux maisons de disques. Nous sommes arrivés juste au moment de l’avènement de la French Touch.
Matthieu : Et avant que le rock ne redevienne un truc cool surtout ! Quand on a débarqué, les mecs nous disaient « les groupes à guitares, ce n’est pas ce que l’on cherche ». Ça paraît difficile à croire parce que c’était il y a à peine six ans. Si tu avais une guitare dans ton groupe, les gens trouvaient ça bizarre. Les salles refusaient les groupes de rock. A l’époque, le public acceptait de payer 20 euros -enfin 120 francs- pour voir un mec sur scène avec un ordinateur. Moi, je trouvais ça très chiant. Je disais aux gens qui allaient voir Björk « ça ne vous dérange pas de payer 200 balles pour aller voir une meuf qui chante en karaoké sur une bande préenregistrée ? » Tout le monde me répondait qu’elle avait une personnalité géniale. Pour 200 balles, j’estime qu’elle aurait pu au moins avoir un groupe !
En 2004, vous avez été sélectionnés par les Inrocks pour figurer sur la compilation CQFD. Qu’est ce que cela vous a apporté ?
Philippe : Concrètement, cela nous a permis de trouver des dates de concerts, notamment au Festival des Inaperçus. Nous avons pu nous faire connaître aussi.
Matthieu : Quand nous appelions des salles pour essayer d’avoir une date, et que nous disions le nom de notre groupe, les mecs nous répondaient « ah oui, Los Chicros ! », plutôt que « il n’est pas là, rappelez plus tard ».
Le remix de Back in Wild par le groupe electro américain Greenskeepers a d’ailleurs été diffusé dans la série Grey s Anatomy?
Philippe : Aujourd’hui, nous sommes un peu en froid avec eux parce qu’ils ont déposé ce remix à leur nom. Ils ont dû penser que les Français n’avaient pas la télé ! Nous leur avons envoyé un e-mail pour leur dire de changer les crédits à la fin de la chanson. Ils ont fait la sourde oreille, et aujourd’hui, nous sommes en procès avec eux.
Matthieu : Des millions de gens ont écouté notre chanson sans savoir qu’elle était de nous. C’est un peu énervant.
Qu’en est-il de votre nouvel album, Sour Sick Soul ?
Matthieu : C’est l’enfant de l’amour !
Philippe : En fait, c’est notre manager qui a produit le disque. Cela nous a permis d’être 90% maître de ce que l’on faisait. Par exemple, nous avons pu faire un titre de dix minutes, qui se termine avec une fanfare qui joue faux pour donner un côté « alcoolisé » au morceau.
Vous éprouvez réellement le besoin de tout faire vous-même, de tout maîtriser ?
Philippe : Bien sûr. Nous ne voulons pas que quelqu’un dénature notre musique.
Matthieu : Le prix à payer pour garder le contrôle artistique sur notre musique, c’est de tout faire nous-même. Beaucoup de groupes changent de style une fois qu’ils sont sous contrat. Signer chez un label se fait parfois sous certaines conditions : chanter en français, avoir un son particulier Nous préférons garder le contrôle, et faire ce que l’on a envie de faire. Nous pensons mieux savoir ce que l’on veut faire que n’importe qui d’autre, et de plus, nous avons une grosse culture musicale. On se fout de la mode, et on ne veut pas que n’importe quel connard vienne nous dire ce que l’on doit faire.
Sour Sick Soul est un doux mélange de nonchalance et de raffinement
Matthieu : Los Chicros encore une fois ! Nous voulions un disque très propre, mais qui reflète notre côté chicro.
De même, vous avez un côté très drôle, très jovial’
Matthieu : They Might Be Giants est un de mes groupes préférés. Ils sont totalement méconnus en France. Ce sont les Monty Python du rock. Ils expérimentent la musique de façon drôle. Ils la font avancer, sans pour autant être très sérieux.
Philippe : Quand je vois les groupes d’aujourd’hui qui posent l’air malheureux avec une guitare, je n’y crois pas, et je n’ai pas envie de le faire parce que ça ne me correspond pas.
Matthieu : En 1964, quand les Stones ont décidé de ne pas sourire sur les photos, c’était un truc énorme. Aujourd’hui, c’est idiot.
Philippe : Nous aimons bien faire des blagues, rigoler On ne va pas poser avec des cuirs et un air méchant. Le mec des Naast, par exemple, clame partout qu’il est désagréable. Quand tu regardes les photos du groupe, il fait la gueule. Ca ne me dérange pas parce que c’est cohérent.
Matthieu : À l’inverse, les Plasticines posent avec des gueules de six pieds de long sur la pochette de leur album. En écoutant leur musique, tu t’attends légitimement à entendre les Ramones, et en fait c’est très guilleret. C’est idiot. Elles devraient faire comme Superbus, vu que leur musique y ressemble. Sourires et bubblegum ! En plus, c’est drôle de faire de la musique. Ce n’est pas un sacerdoce.
Parallèlement à votre activité musicale, vous vous êtes aussi tournés vers le cinéma
Philippe : Nous avons fait une partie de la musique d’un film qui s’appelle La Question Humaine. Nicolas Klotz, le réalisateur, nous a vu en concert et a eu une « vision ». Il nous a proposé de hurler du Sénèque sur une musique hardcore dans une scène du film. Au début, nous n’avons pas compris pourquoi il s’adressait à nous. Puis finalement, nous l’avons fait. Dans cette scène, nous jouons deux personnages qui apparaissent en rêve au héros. Nous sommes très contents aujourd’hui parce que le film est sélectionné à Cannes.
Matthieu : Pour le tournage, nous avons joué en live. Nous avions tout enregistré, mais finalement, Nicolas a préféré qu’on fasse tout en direct. C’était une expérience fabuleuse.
Quels sont vos projets à venir ?
Philippe : Matthieu et moi allons essayer de sortir un nouveau disque très prochainement. Quelque chose de très lo-fi, enregistré sur un quatre pistes. Nous voudrions le produire nous-même, faire un bel objet.
Matthieu : Nous voulons faire des morceaux très courts, de moins de deux minutes. Nous pensons faire quelques reprises aussi.
Philippe : Parallèlement, nous sommes entrain de maquetter le prochain album des Chicros dans un vrai studio. Nous cherchons encore comment le sortir, avec qui Nous avons déjà testé certains morceaux en live d’ailleurs, et le public a plutôt bien réagi. Nous allons aussi entamer une tournée en septembre. Nous n’avons pas encore fixé toutes les dates, mais nous en avons quelques unes.
Matthieu : En fait, nous attendons que les programmateurs viennent nous voir à la Maroquinerie le 17 mars, qu’ils trouvent ça génial, et qu’ils nous invitent à jouer dans leur salle.
– www.loschicros.com
– www.myspace.com/loschicros
Los Chicros seront en concert le 17 mars à la Maroquinerie, à Paris. Des places pour ce concert sont à gagner sur lesinrocksparis.com.
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