Certes, Carla Bley n’est peut-être plus tout à fait cette passionaria de l’avant-garde du jazz. Ces dernières années, elle aura usé bien des formes et formules ? de la conversation en duo avec Steve Swallow jusqu’au double quartette sur le remarquable 4X4 ?, exhibant même de temps à autre un big-band d’une vingtaine d’âmes dont […]
Certes, Carla Bley n’est peut-être plus tout à fait cette passionaria de l’avant-garde du jazz. Ces dernières années, elle aura usé bien des formes et formules ? de la conversation en duo avec Steve Swallow jusqu’au double quartette sur le remarquable 4X4 ?, exhibant même de temps à autre un big-band d’une vingtaine d’âmes dont elle est à la fois la muse féline et la dompteuse au piano et à la baguette.
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C’est cette formation ? à peu de changements près, celle qui l’accompagne depuis dix ans ? qui sort le grand jeu sur ce Looking for America, compensant par l’enthousiasme son peu d’affinités pour le risque. De son aveu même, Carla Bley s’est laissé contaminer à plusieurs reprises et à son corps défendant par ce qu’elle appelle un « virus patriotique » : alors qu’elle composait au piano, un passage de l’hymne américain s’est glissé insidieusement sous ses doigts et, malgré sa tentation de chasser l’importun, celui-ci a tapé l’incruste au point de devenir un sujet d’amusement et de former la pièce centrale de cet album, une variation en cinq mouvements autour de The National Anthem qui s’étale sur près de vingt-deux minutes.
Consciente qu’en ces temps de fronde anti-Yankees sa démarche pouvait prêter à confusion, elle précise que l’idée a émergé avant les événements irakiens, quitte à lui conférer désormais une portée plus corrosive qu’à l’origine. Vu d’ici, à l’heure où Sarko menace de censurer toute Marseillaise « dégénérée », on jubile en entendant la fanfare truculente de miss Bley étioler la bannière de Bushland.
Hormis cette lourde charpente, le disque propose également plusieurs vagabondages à travers les Amériques, notamment Los Cocineros et ses relents cubains en hommage aux employés déracinés des restaurants new-yorkais, ou encore Tijuana Traffic qui mêle assez judicieusement trompettes mexicaines façon Herb Alpert et cuivres klaxonnants, ces derniers étant également de sortie sur l’ébouriffant Fast Lane. Le reste est constitué de petits morceaux d’inspiration blues et gospel, où le terme « mother » revient sous toutes les coutures ? cette série devait d’abord faire l’objet d’un disque à elle seule ?, comme si la quête d’identité passait chez Bley par un nécessaire jumelage mère-Amérique.
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