Les Américains patraques de LOMA, un Italien mélancolique du nom de MESICO, les Anglais survoltés de THE LOVELY EGGS, du trip-hop de derrière les fagots avec MOBY et la pop extravagante de STRANGE BOY.
Dans le rock lettré de l’Amérique profonde, Jonathan Meiburg appartient à l’élite des conteurs. En congés de son magnifique groupe goth-folk Shearwater, il rejoint deux membres de Cross Records pour la grande aventure sous les étoiles. Sous le nom de Loma, ils ont décidé de ne pas se reposer une fois encore sur le seul songwriting de Meiburg, mais d’apporter aux sons la même diablerie de minutie. En s’enveloppant dans ce cocon chaud qu’est ce premier album, on se souvient d’une rencontre entre Radiohead et Sparklehorse lors d’une reprise du Wish You Were Here de Pink Floyd. Et si Loma avait rejoué cette rencontre, la menant à son terme sur ces merveilles atmosphériques dont la ferveur fait trembler les murs ? Jouées en souplesse et liberté, chantées en canons exaltés, reposant souvent sur un écho, un fil de soie, ces chansons dénichent, à l’instar des immenses Dark Oscillations ou I Don’t Want Children, un lien secret et profond entre la terre et le ciel.
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Le studio où a été enregistré l’album Pure & Shining de Mèsico s’appelle Solitude et son nom a déteint sur ces ballades laconiques, ces électroniques affaissées. Ces douze titres sentent les crépuscules désolés, les aubes désœuvrées et le temps passé entre les deux à égrener des notes spartiates, à écouter des chanteurs complices en solitude : on parie sur une collection allant de Nick Cave à Eyeless In Gaza. Séparé momentanément de l’electronica de son duo Tempelhof, l’Italien Paolo Mazzacani réussit on ne sait par quelle sorcellerie à rendre haletantes, énergisantes des chansons plutôt ambiantes, contemplatives, dénudées jusqu’au folk. Pour ceux qui cherchent la note bleue foncée, à ranger près de Blue Nile.
On peut aussi préférer le Red Bull à la camomille. Les Anglais déjantés de The Lovely Eggs le coupe à la bière tiède, histoire de mieux postillonner leurs hymnes pas vraiment à la joie. Et leur surexcitation narquoise, leur poésie à hauteur de vomi de kébab font un bien fou. Equivalents punks et teigneux d’un Mike Skinner, ces faux abrutis maîtrisent la grammaire du rock évadé avec brio, allant même traîner façon Fat White Family du côté du kraut ou du psyché. Pour relier les points écartelés de leur carte du rock, il fallait un autre vagabond : c’est Dave Fridmann (Mercury Rev, Flaming Lips, MGMT…) qui s’est chargé de canaliser ces énergies, mais sans chicanes. Ça reste brut, cagneux comme une chaise de pub anglais, mais la production est moderne, astucieuse, riche malgré l’économie de moyens : guitare/batterie. La chanteuse Holly Ross éructe avec malice et un accent du Nord à couper au canif. Le Nord est ici partout, dans l’humour noir, les fables cassées de désœuvrement. “Lancaster, c’est un peu Twin Peaks”, exagère-t-elle. Mais à peine : manquent surtout les montagnes.
Du relief, il en manque sur l’incompréhensible nouvel album de Moby. Soit l’Américain est un génie de l’anticipation, l’homme qui a vu demain et peut donc prévoir un come-back tonitruant du trip-hop. Soit il a overdosé sur le salsifis et est obligé de jouer avachi. Pas antipathique, juste pas encore/plus encore de son temps, son Everything Was Beautiful and Nothing Hurt ne fera effectivement de mal à personne, mais habillera avec standing et sans accroc séries TV et défilés de coiffure pour sous-préfectures.
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Où l’on ne risque pas de croiser la pop de Strange Boy, beaucoup trop extravagante, voire outrancière pour le monde mou. Premier chanteur mondial à faire de “Corbusier, Corbusier” un refrain à tue-tête, Kieran Brunt fait partie de ces cascadeurs qui, de Anohni à Perfume Genius, dépassent les bornes, testent dans les lacets électroniques l’adhérence au plancher des vaches. Corbusier dérape, mais tient miraculeusement son cap dans une tempête de crâne. Strange Boy, effectivement.
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