Il vous met le feu. En dynamisant sans outrance L’Oiseau de feu, Valery Gergiev lui restitue ses couleurs bariolées et ensorcelantes. Depuis qu’il dirige l’Orchestre de Saint-Pétersbourg, Valery Gergiev enregistre à tour de bras ses productions d’opéras réalisées dans son Théâtre du Kirov : Glinka, Tchaïkovski, Moussorgski, Borodine, Rimski-Korsakov et Prokofiev. Du coup, hormis une […]
Il vous met le feu. En dynamisant sans outrance L’Oiseau de feu, Valery Gergiev lui restitue ses couleurs bariolées et ensorcelantes.
Depuis qu’il dirige l’Orchestre de Saint-Pétersbourg, Valery Gergiev enregistre à tour de bras ses productions d’opéras réalisées dans son Théâtre du Kirov : Glinka, Tchaïkovski, Moussorgski, Borodine, Rimski-Korsakov et Prokofiev. Du coup, hormis une poignée de disques consacrés à Borodine, Rachmaninov et Chostakovitch, il négligeait le répertoire symphonique… Quelques mois après une mémorable intégrale des cinq Concertos pour piano de Prokofiev avec Alexandre Toradze, Gergiev publie son premier disque Stravinsky avec la version complète du ballet L’Oiseau de feu.
Créé à l’Opéra de Paris, en juin 1910, à l’initiative des Ballets Russes de Diaghilev, ce ballet enflamme la capitale. Tout concourt à la surprise, au ravissement et à l’éclat : les décors somptueux d’Alexandre Golovine et Bakst, la chorégraphie de Fokine et l’orchestre, dirigé par Pierné. Le succès est instantané. Debussy monte sur scène pour saluer et soutenir ce jeune compositeur de 28 ans, jusque-là inconnu ; Ravel exhorte son ami Delage à s’y rendre : « Vieux ! Il vous faut quitter tout de suite vos galoches ! Ça va plus loin que Rimski-Korsakov ! Venez vite, je vous attends pour retourner à L’Oiseau de feu. Et quel orchestre ! » Plus tard, le compositeur, qui assistait aux représentations dans la loge de Diaghilev où, pendant les entractes, tout Paris défilait « J’y rencontrai pour la première fois Proust, Giraudoux, Morand, Léger, Claudel » , gardera le souvenir d’une première « extrêmement brillante » et d’un public… « violemment parfumé » ! Grâce à cette partition, Stravinsky va enchaîner deux autres ballets, Petrouchka et Le Sacre du printemps, qui connaîtront une gloire égale, sinon supérieure. Le caractère excessif et juvénile de cet Oiseau de feu, à la fois tendu, sombre et passionné, est à mettre sur le compte d’une première évaluation des multiples possibilités de l’orchestre par un Stravinsky fébrile. Gergiev l’a bien compris, il ne confond pas le rituel sauvage, cinglant et prophétique du Sacre avec les couleurs bariolées et bruissantes de L’Oiseau de feu. Il s’exhale de cette partition dynamisée sans outrance par l’Orchestre du Kirov un charme ensorcelant qui étourdit. Avec distinction, les cordes sursautent plus qu’elles n’enveloppent et les flûtes fredonnent en silence, tandis que des cuivres d’acier se heurtent dans leur course effrénée. Jamais, peut-être, cet Oiseau de feu, avec Gergiev, n’avait autant mérité son nom, comme d’ailleur ce souverain Prométhée de Scriabine, qui complète cet enregistrement.
Igor Stravinsky, L’Oiseau de feu -Orchestre du Kirov de Saint-Pétersbourg, direction Valery Gergiev (EMI)
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