Entièrement produit par son fidèle acolyte Inflo (Cleo Sol, SAULT), le nouvel album surprise de l’une des meilleures rappeuses d’Angleterre poursuit la quête identitaire que son précédent lp, l’immense “Sometimes I Might Be Introvert”.
Comment faire suite à un disque-somme, une ambition opératique, une cristallisation de toutes ses influences, un album-chorale quasi anthropologique aux points de vue démultipliés, une exploration intérieure qui rafle le très prestigieux Mercury Prize ? En répondant poliment par la négative, Little Simz s’est forgé une parade toute trouvée avec No Thank You, album surprise creusant le même sillon de l’intériorité et de l’émancipation, tout en prenant à rebrousse-poil les considérations esthétiques de son prédécesseur : l’autre face d’une même pièce qu’on n’attendait pas.
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À l’amplitude de Sometimes I Might Be Introvert, No Thank You répond par le dépouillement et la contraction : dix titres presque décharnés, réduits à leur plus simple appareil et dénués de featurings (à l’exception de la fidèle Cleo Sol et d’une chorale de voix anonymes). Intégralement composé par le producteur Inflo – sorte de membre officieux d’un duo qu’il formerait avec Simz et l’une des têtes pensantes des mystérieux SAULT –, cet écrin ascétique, jamais plombant et à la précision mystique (gospel, orchestrations à se damner, samples affolants), s’offre à la rappeuse anglaise comme un formidable réceptacle pour ses textes fleuves.
Joue-la comme Kendrick
Des questions de santé mentale, en passant par les contrats crapuleux des labels, le rapport aux fans ou la blackness sur fond de considérations religieuses, No Thank You n’est d’ailleurs pas sans rappeler le dernier album en date de Kendrick Lamar (un mimétisme avec la discographie du natif de Compton déjà à l’œuvre sur SIMBI). Même décharnement musical, même dissection hyper intimiste de mécanismes sociaux et de sentiments liés à son genre et à sa couleur de peau, ce nouvel album de Little Simz adopte néanmoins une approche beaucoup plus directe que Mr. Morale & the Big Steppers.
Moins work in progress thérapeutique que véritable affirmation de son moi, moins ambivalent quant à la question religieuse, et moins radical dans son ascétisme musical – préférant toujours la beauté des arrangements cinématographiques à l’aridité parfois oppressante des squelettiques productions de Kendrick –, ce No Thank You taillé dans le gospel dessine en ligne claire, à travers ses yeux ou adoptant le point de vue de Dieu (au sens cinématographique), l’expérience des plus mystiques de l’une des plus grandes artistes anglaises de sa jeune génération. Rien que ça.
No Thank You (Forever Living Originals/AWAL). Disponible.
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