Little Shalimar, producteur de la bande-originale du documentaire « Rubble Kings », sur le New York des années 70 et la naissance du hip-hop, nous explique comment il en a fait un support incontournable du film.
Collaborateur d’El-P ou de TV On The Radio, l’ex-batteur de Chin Chin, Little Shalimar, signe l’excellente bande-originale « inspirée » du documentaire Rubble Kings, de Shan Nicholson. Au menu : une poignée de MC de haut vol – Ghostface Killah, El-P, Killer Mike ou Tunde Adebimpe… – et une composition racée qui pioche directement dans la musique du documentaire, également composée par le producteur.
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Je n’ai plus entendu parler de vous depuis l’époque où vous sortiez les maxis de Chin Chin via le label Definitive Jux. Comment êtes vous arrivés sur ce nouveau projet ?
Little Shalimar – Le paradoxe c’est que Chin Chin n’était pour moi qu’un side project que je menais avec mon frère, mais mon vrai groupe était Pleasure Unit, créé avec un membre de TV On The Radio. On a d’ailleurs sorti un EP sur un tout petit label parisien, Dialect. Mais j’ai surtout fait beaucoup de DJ sets car dans une ville comme New York il vaut mieux multiplier les plans si tu veux gagner correctement ta vie. Récemment, j’ai tout de même co-produit les deux disques de Run The Jewels et signé par mal de musiques pour des films ou des séries télévisées. Donc, je suis un peu « le mec derrière la musique » mais je ne chôme pas !
https://youtu.be/jts_jOWTIOk
Vous publiez une bande originale « inspirée du film » Rubble Kings, plutôt que la musique du film elle-même. Pourquoi ?
La problématique est simple : les morceaux que Shan [Nicolson, le réalisateur du documentaire] avait apposés sur son film fonctionnaient comme des temp tracks, c’est à dire des indications dont il avait besoin pour monter le film. Le problème, c’est que si nous avions du obtenir les licences pour les utiliser, ça nous aurait coûté plusieurs centaines de milliers de dollars, ce qui était impossible. Il a donc fait appel à moi pour créer une musique originale sur les images, mais elle fonctionne mal en dehors du film: elle est trop typée; elle te rappelle Marvin Gaye ou Curtis Mayfield mais tu entends bien que ce ne sont pas eux.
Commercialement, Shan tenait aussi à ce que son film touche les jeunes générations, qui ne connaissent ni cette époque ni cette histoire. Et comme on parle ici de l’histoire des gangs new yorkais qui, à un moment, ont décidé d’une trêve qui a, de fil en aiguille, donné naissance à la culture hip-hop ça nous a paru logique de sortir une bande originale hip-hop qui est finalement une sorte de « suite » de ce qui est raconté dans le film.
Avez-vous imposé aux MC une thématique qui fasse écho au discours du documentaire ?
Non, je les ai laissés libres. Il y a seulement avec eXquire, qui est un de mes rappeurs préférés et un de mes meilleurs amis que le travail a été très rapproché. Je lui ai donné des indications précises parce qu’on a l’habitude de travailler de cette manière. Aux autres, j’ai laissé une liberté totale. De toute façons, qu’est-ce que tu veux donner comme indications à un mec comme Ghostface Killah ? C’est Ghostface Killah, alors tu te tais et tu l’écoutes, c’est tout !
Comment s’articulent la musique du film et celle du disque que vous en avez tiré ?
Elles sont en quelque sorte faites du même bois. Techniquement, j’ai samplé mes propres compositions qui figurent dans le documentaire et fabriqué des morceaux de rap en invitant les MC. Il y a une atmosphère, une base commune.
Concernant la musique du documentaire lui-même, vous insinuez plus haut que vous avez imité en quelque sorte les temp tracks utilisés par Shan Nicholson. Comment avez-vous procédé ?
Ca a été plus facile que je ne l’imaginais. Généralement, je me prends la tête pour que mes morceaux ne sonnent pas comme ceux de quelqu’un d’autre mais là c’était l’inverse : il fallait sonner comme la musique des années 1970 que Shan avait mise sur le documentaire. C’est une question de technologie et de culture musicale. Côté culture musicale, ce n’était pas un problème : étant DJ, toute ma culture musicale vient de là. Je dispose d’une discothèque conséquente et je sais très bien comment sonnait la musique de l’époque et pour quelles raisons elle sonnait ainsi.
De fait, j’ai choisi de tout enregistrer avec du matériel analogique issu de l’époque que je devais singer, des réverb aux pré-amplis, avant de passer dans Pro Tools. Concernant l’enregistrement lui-même, j’ai quasiment tout joué. L’intérêt c’est qu’au final nous avons une superbe B.O. – doublée d’une compilation inspirée du film avec plein de rappeurs – mais que si nous avions dû payer des droits pour utiliser du Marvin Gaye ça nous aurait ruiné et le film ne serait probablement jamais sorti.
Propos recueillis par Thomas Blondeau
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