Devenu gratuit, le magazine mythique se bat en duel avec “Metro” ou “Evening Standard”. Et c’est avec tendresse que je ramasse chaque mercredi mon “NME” à l’entrée du métro londonien.
Celles et ceux qui sont venu(e)s récemment à Londres un mercredi pluvieux (il pleut les autres jours aussi) ont sans doute assisté, en sortant du métro, à ce spectacle navrant, bouleversant même : des piles de nouveaux numéros du NME déchirés par le vent, souillés par les eaux, implorant les voyageurs de les préférer aux Metro ou Evening Standard.
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Pour quelqu’un qui a grandi avec le NME, abonné pendant des décennies, cette humiliation en pleine rue, ce pilori grotesque est un véritable crève-cœur. Dans le NME des années 1970 puis 1980, je n’étais pas simple lecteur, mais éponge. J’épluchais chaque interview, chaque article consacré à mes artistes préférés en tentant d’y dénicher des indices, des pistes à explorer, des fenêtres qui rendraient ma vie plus large, riche et exaltante.
Acheter un journal, un acte militant
Dans ses pages, j’ai appris beaucoup de choses de la vie : la politique anglaise, la contre-culture, les jeux de pistes musicaux sans fin, la petite vie britannique telle que la racontaient des jeunes gens mal lunés, mal fringués, mal coiffés et magnifiques. Des signatures m’intimidaient par leur savoir mystérieux, mais aussi me prenaient par la main dans leurs labyrinthes illimités : je vivais leurs frissons, leurs rencontres par procuration.
A l’époque, bien sûr, acheter un journal était un acte militant, une façon de revendiquer son appartenance. Acheter le NME déterminait d’une certaine façon qui vous étiez. Depuis une vingtaine d’années, au rythme affolant des changements de rédaction en chef et d’orientation éditoriale, le magazine a tout essayé, y compris, aujourd’hui, de devenir un gratuit.
C’est pourtant sans nostalgie, sans affiliation au c’était-mieux-avant, avec tendresse même que je ramasse chaque mercredi mon NME. En espérant que des adolescent(e)s y liront dans le métro, par hasard, des articles sur Loyle Carner ou Pale Waves, et que ça changera aussi leur vie.
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