Bottes rouges et idées noires : avec sa moue et son bagout, Lindi Ortega est l’une des meilleures nouvelles venues d’Amérique profonde depuis Alela Diane. Bientôt en concert en France. Critique.
C’était il y a quelques mois, sur la scène de la salle parisienne la Flèche d’Or. Une chanteuse encore inconnue, vêtue de noir et chaussée de bottes rouges, une guitare folk veinarde entre les bras, chante qu’elle a tué un homme à Reno, juste pour le voir mourir. Elle a les yeux revolver, une voix à réveiller les volcans des Appalaches, et sa reprise parfaite du classique Folsom Prison Blues de Johnny Cash décore la salle parisienne façon saloon du Tennessee. C’est déjà beau, comme un rêve américain. Mais ce n’est que le début. Lindi Ortega est la nouvelle reine du rodéo. Un jour, bientôt, c’est sûr, elle jouera au Grand Ole Opry de Nashville, avec des bottes rouges serties de diamants.
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Le lendemain de ce petit concert de rêve, on la cueille au matin pour l’interview dans un hôtel de Pigalle. Elle porte une robe noire gothique sudiste, un bibi à voilette et ses bottes rouges. Une leçon de dressing s’impose : “Mon style, c’est un peu ‘Calamity Jane va à un enterrement’. Au départ, je suis très fan de Wonder Woman, qui porte des bottes rouges. J’en voulais aussi, pour avoir des supers pouvoirs. Un jour, je me suis retrouvée à Nashville avec mon manager. Dans le premier magasin où je suis entrée, il y avait ces bottes. C’était le jour de mon anniversaire, mon manager me les a offertes, il est comme ça. Après, je suis partie en tournée en première partie du groupe de Kevin Costner et tout le monde me parlait de mes bottes. J’en ai fait une chanson et voilà, c’était parti…”
Comme disait Nancy Sinatra, ces bottes sont faites pour marcher. Dans les pas des grands hors-la-loi de la country plutôt que sur les rails de la variété américaine. Lindi Ortega, qui a grandi du côté de Toronto (Canada), est tombée dans la musique quand elle était toute petite : son père (d’origine mexicaine) exerce la profession de bassiste dans un groupe latino et sa mère (d’ascendance irlandaise), assistante de direction, collectionne les disques de Johnny Cash, Willie Nelson ou Dolly Parton, sainte trinité de la country éternelle. “Chez Dolly, Loretta Lynn, Patsy Cline, il y a ces histoires de coeurs brisés qui m’ont toujours touchée, je ne sais pas pourquoi. Quand j’étais plus jeune, Autant en emporte le vent était mon film préféré, j’étais attirée par cette culture sudiste.”
Mais Lindi Ortega n’est pas une revivaliste. Fan de Timber Timbre ou Jack White (qu’elle compte bien rencontrer à Nashville, où elle vient de s’installer), elle chante comme une tornade dans la grande plaine. Plus sexy et pétillante que Gillian Welch, moins antiquaire que Sallie Ford, Lindi est une grande chanteuse avant d’être une chanteuse country. Sous l’influence directe de la géniale Dolly Parton (dont Lindi est presque le clone vocal, et c’est le plus beau des compliments), son nouvel album, Little Red Boots, est une chevauchée libre et sauvage dans la musique américaine, où l’on entend du folk, du rockabilly, du cowpunk, des romances et des pétages de plombs.
On y entend aussi l’énergie désespérée de Lone Justice, le glamour de Shivaree, voire un petit quelque chose de Lana Del Rey sans la chirurgie plastique. Des chansons bleues, romantiques voire mélancoliques, mais transcendées par l’énergie, en route pour la joie. “Je fais de la musique pour me sentir mieux, pour faire sortir des émotions”, dit-elle. Sa première chanson racontait l’histoire, vécue, d’une rupture amoureuse à la veille du bal du lycée. Un cavalier de perdu, une chanson de gagnée. Depuis, l’effrontée profite de ses concerts pour demander s’il y a un cow-boy pour elle dans la salle. Avec Little Red Boots, premier grand disque de 2012, elle va les avoir tous à ses pieds.
Lindi aux Nuits de l’Alligator
Avec ses bottes peut-être en croco, Lindi Ortega se retrouve logiquement à l’affiche des prochaines Nuits de l’Alligator, le festival des musiques roots d’ascendance américaine. Où l’on verra aussi le garagiste pop Hanni El Khatib, le rockab irradié de Dirty Beaches, la fratrie qui swingue Kitty, Daisy & Lewis, le retour des folkeux gothiques Two Gallants, la brailleuse rhythm’n’blues Sallie Ford, les Suisses du bayou Mama Rosin, l’Hendrix de rue Lewis Floyd Henry, le Texan possédé Possessed By Paul James et bien d’autres…
En tournée française du 8 au 24 février
www.nuitsdelalligator.com
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