Selon un récent sondage, la tendance du référendum sur l’indépendance de l’Écosse bascule pour la première fois en faveur du « Oui ». Mais l’Histoire passionnante de l’indie-rock écossais n’a pas attendu l’heure des consultations démocratiques pour s’émanciper du meilleur ennemi anglais.
Selon un récent sondage, la tendance du référendum sur l’indépendance de l’Écosse bascule pour la première fois en faveur du « Oui ». Mais l’Histoire passionnante de l’indie-rock écossais n’a pas attendu l’heure des consultations démocratiques pour s’émanciper du meilleur ennemi anglais.
Should Scotland be an independent country? C’est l’intitulé précis de la question qui sera posée au peuple écossais jeudi 18 septembre dans le cadre du référendum sur l’indépendance de l’Écosse. Si le Oui l’emporte, la patrie de David Byrne abandonnera son statut de nation constitutive du Royaume-Uni pour devenir un pays à part entière. Belle occasion de redécouvrir l’Histoire passionnante de l’indie-rock écossais qui n’a pas attendu l’heure des consultations démocratiques pour s’émanciper de l’influence tutélaire de l’Angleterre.
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Bien tapie dans l’ombre de figures de proues plus ou moins fréquentables (Primal Scream, Franz Ferdinand, Mogwai, Simple Minds, Donovan, Belle & Sebastian, Texas, KT Tunstall, Susan Boyle…), la belle musique d’Écosse s’est d’abord écrite par le bas, dans les sous-sols, grâce à la constance d’un flux créatif moderne et frondeur qui accompagne toujours aussi bien la classe impérissable de Josef K que les hurlements caverneux de Positive Noise. Pour effrayer un peu plus David Cameron, dix groupes écossais de la même espèce s’écoutent et s’admirent dans la galerie de portraits disponible ci-dessous.
– COCTEAU TWINS (1979 – 1997)
Fondatrice des Cocteau Twins en compagnie de Robin Guthrie, Elizabeth Fraser a largement influencé la vague d’heavenly voices : ces voix aériennes, enduites de réverb qui ont inondé la pop émo britannique à partir de la fin des eighties. L’entente entre l’organe de Fraser et la synthèse programmée par Guthrie a signé la marque de fabrique du groupe dès la publication de Garlands, premier album indispensable sorti chez 4AD en 1982. Aujourd’hui encore, tous les morceaux de ce de disque sonnent comme une chanson produite après demain. Pas étonnant de retrouver les racines de ce chant précieux, nerveux et envolé dans les inspirations des groupes hype du moment, de Grimes à Chromatics. Le couple Fraser/Guthrie se séparera en 1997, précipitant le split du trio et léguant en guise d’héritage une dizaine d’albums publiés en quinze ans. Aujourd’hui, Treasure (1984) ou Heaven Or Las Vegas (1990) attirent toujours les clics des nostalgiques de l’époque mais on préfère se souvenir des Cocteau Twins à travers l’écoute de Garlands, de sa base punk et de ses inventions pop qui sonnaient déjà, en plein milieu de l’année 1982, comme la synthèse de toutes leurs expériences futures.
– POSITIVE NOISE (1979 – 1985)
A la question, « Peut-on réunir tous les clichés stylistiques d’une mauvaise série allemande et composer dans le même temps des morceaux inventifs et classieux ? », les mecs de Positive Noise préfèrent ne pas répondre. Trop occupés à tirer la gueule en regardant l’intégrale de Le Renard, les musiciens ont semble-t-il également oublié de confirmer l’excellence minimaliste de leur premier album angoissant sorti en 1981. Heart Of Darkness est une tuerie froide d’une pureté si éloignée de leurs productions postérieures qu’on la soupçonne d’avoir été composée par leurs doubles maléfiques. Avec trente ans d’avance, l’emballement rythmique de l’album préfigurait l’ascension fulgurante de WU LYF en 2011. Mais à la différence des excités de Manchester, les Positive Noise de Glasgow ont réussi à sortir deux albums supplémentaires avant d’imploser (Change of Heart en 82 puis Distant Fires en 85). Sans jamais parvenir à maquiller leur new-wave dépouillée de la même intensité primitive.
– BOARDS OF CANADA (Depuis 1986)
Michael Sandison et Marcus Eoin ne viennent pas de Montréal mais bien d’Édimbourg et depuis 1986, ils forment Boards of Canada. Bâti sur les vestiges d’un groupe de lycée, le duo utilise des instruments analogiques pour construire une ambient qui flirte élégamment avec les codes de l’IDM. Si le groupe n’a sorti que quatre albums en trois décennies (lire la chronique de Tomorrow’s Harvest sorti en 2013), il a longtemps brillé dans l’ombre, sur des instantanés alanguis plaqués sur format K7. Groupe énigmatique par excellence, BoC doit sa reconnaissance internationale à une rigueur et une précision exacerbées, aussi bien pendant ses sessions d’enregistrement qu’en période de post-production. Aux frontières du trip et du hip-hop, Boards of Canada parvient à réunir la classe de Massive Attack et les mystères d’Aphex Twin. Tout en préservant une idée de départ vieille de vingt-huit ans, mais plus que jamais en phase avec la logique implacable dessinée par le marketing de l’absence et du repli.
– THE BETA BAND (1996-2004)
Pour une certaine mémoire collective, The Beta Band, immense folie écossaise née au milieu des années 90, restera à jamais associée à une publicité pour vendre des laitages. Si la chanson est marquante, la (trop) courte discographie du groupe l’est encore plus. Le morceau Squares utilisé pour la pub laitière de 2002 introduit Hot Shots II, deuxième album d’aventures sorti par le groupe originaire d’Édimbourg en 2001. The Beta Band se séparera définitivement deux ans plus tard sur la large collection de chansons psychédéliques et funambules du disque Heroes To Zeroes. Pour revenir aux sources, vous pouvez réécouter leur premier album tout aussi classique en cliquant sur ce lien.
– THE PASTELS (Depuis 1981)
Ce groupe a réussi l’exploit de faire croire à tout le monde qu’il suffisait d’enfiler un K-way bleu et d’enchaîner trois accords rythmés les yeux embués de larmes pour intégrer le catalogue distingué de Sarah Records. Au delà des clichés qui suivent l’écho de la twee-pop, les Pastels s’appliquent à composer la B.O suprême de la nostalgie contemplative depuis le début des eigthies. Après une longue pause de plus de quinze piges, le groupe de Glasgow a marqué un retour inattendu en 2013 avec l’album Slow Summits et sa fascinante altitude mélodique. Éclairés par les voix complémentaires de Stephen McRobbie et Katrina Mitchell, les Pastels sont aussi capables de briller sur des morceaux plus urgents comme Truck, Train, Tractor, Baby Honey ou l’inlassable Million Tears en écoute recommandée sous cette ligne de texte.
– THE WAKE (Depuis 1981)
S’il n’y avait pas eu d’actualité autour de la question du référendum écossais, on aurait quand même trouvé une excuse pour vous parler de The Wake et de leur magnifique discographie. La sortie imminente du nouvel album de The Drums aurait pu être un bon prétexte, tant le groupe de Brooklyn a copié-collé les codes mélodiques de la formation de Glasgow. Avant de prendre la batterie de The Jesus And Mary Chain puis le micro de Primal Scream, Bobby Gillespie a brièvement tenu la basse de The Wake. Son départ précipité en 83 coïncide avec la première percée du groupe. Mis en lumière par les invitations de John Peel sur la BBC, The Wake signe chez Factory avant de se retrouver chez Sarah Records au moment de la chute de la maison mancunienne. Pour être clair, toutes les chansons sorties par les Écossais sur ces deux labels historiques défoncent avec une aisance confondante la plupart des morceaux que vous écouterez sur cette page aujourd’hui – ou sur n’importe quelle autre plateforme ce mois-ci.
– TEENAGE FAN CLUB (Depuis 1989)
Bandwagonesque : le nom tout pété de l’un des meilleurs disques sortis en 1991. L’observation n’a pas beaucoup de valeur si on se souvient qu’on avait à peine l’âge de lire et écrire correctement l’année de la mort de Gainsbourg. Mais l’écoute répétée des douze morceaux du troisième album de Teenage Fan Club conforterait la plus narquoise des insolences. Et puis cette considération colle finalement au culot de cet album fondamental. Les expériences noise et pop assumées par le disque renvoient au Velvet et placent directement le groupe dans la légende discographique des 90s – décennie trop souvent réduite à l’avènement du trip-hop et aux fulgurances du mouvement grunge. La pop de Teenage Fan Club et ses accents shoegaze ont traversé l’époque grâce à la publication d’albums radicaux mais non moins intelligents comme Grand Prix, Catholic Education et le bien nommé Songs from Northern Britain. Le groupe joue toujours sous la même tension mais n’a rien proposé sur disque depuis quatre ans et la sortie de Shadows.
http://youtu.be/QKlSOr-740Q
– THE JESUS AND MARY CHAIN (Depuis 1983)
Après diverses déformations suivies des traditionnelles reformations qui accompagnent la carrière des légendes du rock, The Jesus And Mary Chain – groupe total organisé autour de la stridence des frères Reid – fêtera son retour à la vie de scène le 16 novembre prochain (à La Cigale) pour le festival les inRocKs Philips. Même si le groupe n’a pas sorti de nouveau disque depuis 1998 et l’album Munki, on sera très heureux d’oublier la pluie promise par le mois de novembre sur le boulevard de Rochechouart pour célébrer les hymnes de Darklands, Psychocandy ou Automatic. Sans Bobby Gillespie mais avec toutes les influences électriques (Velvet, Sex Pistols, Shangri-Las, Bo Diddley, Jésus…) entrelacées par le groupe depuis les 1983.
– JOSEF K (1979 – 1982)
Josef K (en clin d’œil au personnage de Kafka dans Le Procès) n’a eu le temps de sortir qu’un seul album sur l’éphémère label écossais Postcard Records. The Only Fun In Town est pourtant précédé de l’enregistrement d’un disque mort-né, intitulé Sorry For Laughing. D’abord abandonné car largement constitué de démos mal enregistrées, ce premier projet est finalement sorti en 1990, huit ans après la séparation du groupe. Paul Haig, leader, guitariste et chanteur, s’est alors embarqué dans une carrière solo en se rapprochant du label bruxellois Les Disques Du Crépuscule. Mais on se souvient surtout de sa voix claire au sein de Josef K, groupe comète qui existe toujours dans la voix d’Alex Kapranos et dans la structure des tubes de Franz Ferdinand.
– BERLIN BLONDES (1978 – 1981)
Voilà un groupe qui se concentrait LARGEMENT plus sur le soin apporté aux artworks et au packaging qu’à la production ou au mastering des morceaux. Et si la carrière des Berlin Blondes tient en une dizaine de chansons mal produites, une signature chez EMI en 1980 et un renvoi de la même maison de disques l’année suivante, les mecs de Glasgow le doivent certainement à un manque de sérieux proportionnel à la puissance esthétique de leur imagerie. En guise d’ultime tentative de rebond : les Berlin Blondes ont dédié une magnifique chanson d’amour à la ville de Marseille en 1981. Un tube mal dégrossi, resté lettre morte, mais qui n’a pas empêché certains membres des BB de faire carrière au sein des groupes Endgames ou Altered Images.
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