Le 21 octobre 2002, paraissait “L’Imprudence”, onzième album d’Alain Bashung et successeur du déjà immense “Fantaisie militaire”.
Avec ce chef-d’œuvre d’une beauté noire et d’une profondeur abyssale, dont on n’a toujours pas fini d’explorer les arcanes, le chanteur faisait “encore monter le mercure et l’aventure” dans une discographie incomparablement aventureuse, paradoxalement populaire et exigeante. Vingt ans exactement après Play Blessures, classique absolu du rock français réalisé à quatre mains et entre deux bouteilles avec Gainsbourg, Bashung donnait à entendre d’autres plaies, d’autres blessures… “À chaque fois que je sors un disque, ce n’est pas des journalistes que je vois, mais des docteurs. Ils me prennent le pouls”, nous confiait-il à sa sortie dans un hôtel néo-gothique du XVIème arrondissement pour l’un de ces souvenirs indéfectibles d’interview. “Je suis noir de monde”, comme il le chantait, presque en forme d’épitaphe.
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Immortalisé comme jamais par Richard Dumas sur la pochette sépulcrale de L’Imprudence, Bashung donnait à voir la statue du commandeur de la chanson d’ici. Et, sept ans avant sa disparition, l’homme se montrait déjà visionnaire sur les tourments de l’époque. “Je crois me souvenir qu’on avait failli l’appeler Lenteurs et Imprudence. On se disait qu’un peu de lenteur est toujours bon à prendre par rapport à tout ce qui nous entoure, l’agitation nerveuse, l’hystérie. L’Imprudence est donc arrivé comme ça, peut-être à force d’entendre constamment le hit-parade de l’insécurité. Merde, que nous reste-t-il comme quota d’imprudence à chacun ?” Vingt ans après, la question bashungienne reste ouverte et L’Imprudence demeure cette balise à laquelle on revient sans cesse, de nuit comme de jour sombre, avec l’impression fascinante d’entendre une familière voix d’outre-tombe nous murmurer à l’oreille des mots à suivre : “Laisse venir l’imprudence”.
Édito initialement paru dans la newsletter musiques du 21 octobre
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