Fantasme d’un jeune Anglais cinglé, la pop gigantesque de Lightspeed Champion toise tout haut les dogmes d’ici-bas. Et flotte dans une bulle près du soleil. Critique et écoute intégrale.
On le concède d’emblée, le deuxième album de Lightspeed Champion a de quoi déconcerter. Après le triomphe du rock minimaliste et fauché de The XX, il faut forcément un temps de réadaptation pour écouter un album où l’arc-en-ciel a vaincu les brumes glaciales. Il y a aussi ce titre à l’enthousiasme béat, Life Is Sweet! Nice to Meet You, qui visiblement ignore tout de la crise économique, des tremblements de terre et du marasme.
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Dès les premiers morceaux, extravagants et déglingués, l’ironie grinçante du titre s’évapore : la vie est belle et Lightspeed Champion semble chanter des points d’exclamation à la fin de chaque phrase. Planqué derrière son pseudo de superhéros, le personnage d’un comic qu’il a créé sur ses cahiers d’écolier, Devonté Hynes fait souffler un vent de fantaisie et de légèreté sur la pop orchestrale, trop souvent dorlotée jusqu’au danger de la rendre trop chochotte.
Il ne faut pas oublier que le jeune homme a fait ses armes chez les Test Icicles, trio electro-punk cinglé. “Le songwriting, ce n’est pas une question de vie ou de mort. Je m’amuse à aller au-delà du raisonnable, à transgresser les règles pour m’en imposer d’autres : je voulais que cet album soit porté par une seule voix masculine, soutenue par un choeur de voix d’hommes. J’ai écrit les partitions pour chaque instrument. Si je sentais que trop de couches se superposaient, je continuais quand même, juste pour voir où ça me conduirait.” D’où cette première impression de surenchère, d’instrumentations luxuriantes qui se succèdent comme une chaîne de dominos infinie.
Et puis, avec une vitesse surprenante, les quinze chansons finissent par se laisser apprivoiser. Les pop-songs se déroulent avec une simplicité et une fluidité dignes des grands orfèvres pop. Surtout pas canalisé, ce torrent de chansons gigognes déverse des idées aussi extravagantes que sensées. Par exemple, pour aérer l’ensemble, Devonté place judicieusement çà et là de courts entractes (Intermission, Intermission 2), un miniconcerto au piano (Etude op. 3) puis un finale en catimini (A Bridge and a Goodbye).
S’il avoue lui-même ne pas savoir s’arrêter, il parvient quand même à se contenir momentanément pour mieux exploser dans un souffle épique. Sweetheart, l’une des réussites de l’album, commence ainsi dans une ville fantôme éclairée à la bougie et se termine dans une cavalcade de road-movie. Lightspeed Champion oscille ainsi entre grandiloquence orchestrale et sobriété de bouts de ficelle, entre euphorie et vague à l’âme. Dans le titre de son album, Lightspeed Champion déclare qu’il est ravi de faire notre connaissance. Tout le plaisir est pour nous.
Album : Life Is Sweet! Nice to Meet You (Domino/Pias)
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