Si vous l’ignorez encore, Liars est l’un des groupes rock les plus passionnants de la décennie. Sur le prochain Sisterworld, ils explorent le Los Angeles des marges crasses, des freaks étranges et de la violence quotidienne. Extraits vidéo, et longue interview dans laquelle ils font un passionnant portrait de leur nouvelle ville.
Liars est sans doute l’un des groupes rock les plus passionnants de la décennie. L’un des plus remuants, aussi –aux sens propre et figuré. Héros de la scène post-punk new-yorkaise au début des années 2000 mais fuyant les petites cases et la hype dans laquelle tout le monde désirait les enfermer, l’un des groupes préférés de Radiohead avait il y a quelques années fui à Berlin, a perdu et passionné son monde en effectuant une violente révolution intime et sonique par album.
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L[attachment id=298]a bougeotte ne les a pas quitté. Les trois garçons résident désormais à Los Angeles. Un retour à la maison pour les trois garçons : Angus, né Australien, y a vécu une partie de sa jeunesse, Aaron et Julian, eux, y sont nés. Los Angeles, la cité des anges, le mythe californien, le confort du foyer, le soleil permanent, le calme retrouvé pour Liars ? Surtout pas : c’est dans les zones grises et mouvantes de l’une des villes les plus étranges du monde, dans l’univers flippant des mis de côté, des freaks, des sans-abris, des rejetés et des violents quotidiens que les trois Américains sont allés chercher les thèmes du passionnant Sisterworld.
Ils nous le racontent en détail dans une longue et passionnant interview, quelques extraits volés sur YouTube à l’appui.
Vous existez depuis près de 10 ans : avez-vous une idée claire de ce que vous représentez, de ce pour quoi vous vous battez ?
Angus Andrew : Intéressant… (il réfléchit). Pour quoi le groupe se bat-il ? Je pense que c’est une combinaison entre la liberté et l’oppression, deux concepts qui nous intéressent. Surtout depuis quelque temps. Il est intéressant de voir comment les concepts s’articulent, je pense qu’ils n’ont jamais été aussi importants que ces dernières années. De manière générale, nous nous battons également pour le changement. J’espère que le groupe cristallise et représente cette idée de changement.
[attachment id=298]Qu’entendez-vous par oppression ?
L’oppression intime comme l’oppression sociale. Nous nous sommes intéressés, ces derniers temps, à cette idée, à la dislocation sociale et personnelle, aux gens qui se sentent totalement en dehors de leur génération, de leur environnement direct, de leurs pairs, leurs amis. Quand nous étions à L.A., pour faire cet album, nous étions très concentrés là-dessus, sur le pourquoi et sur la manière dont il y a tant de gens qui sont rejetés par le système. L.A. est sans doute un endroit parfait pour scruter ces phénomènes : c’est sans doute la ville où il existe le plus d’individus se sentant ou étant rejetés, laissés de côté. Nous nous intéressons également de près à la manière dont les gens se débrouillent avec ce rejet, avec ce sentiment, comment ils apprennent à s’adapter, à trouver de nouvelles libertés.
Vous avez déménagé de Berlin à L.A. : pourquoi ?
C’est lié à l’idée de revenir à la maison. Les garçons (Aaron Hemphill et Julian Gross) sont nés à Los Angeles, j’y ai vécu aussi. A Berlin, nous étions constamment en lutte avec l’intégralité de notre environnement. Nous ne parlions pas la langue. Il nous fallait à chaque fois beaucoup de temps pour que les choses se fassent, même des choses basiques, des choses de musiciens, le remplacement d’une tête de guitare par exemple. Quant au retour à L.A., nous nous sommes sentis le droit de retrouver un environnement plus naturel, plus confortable, où il y a beaucoup de gens que nous connaissons, qui peuvent nous aider, nous ouvrir des portes. Ce n’est pas quelque chose que nous avons eu l’habitude de faire en tant que groupe : reposer sur d’autres. Mais ce fut cette fois une décision consciente, et nous considérions ça comme une chance. C’était comme d’enregistrer un album dans le salon de nos mères : elle nous préparerait à manger et rangerait derrière nous…
Et Berlin ? Ce sentiment de déracinement, de perte de repères a-t-il eu un impact sur vos expérimentations ?
Oui. Berlin était parfait justement pour ça, pour cette aliénation, cette solitude. L’une des raisons qui nous ont poussés à partir à Berlin a été ce qu’est devenu New York. Nous y habitions, et l’idée de scène, cette obligation d’être cool nous a rendus complètement claustrophobes. Le phénomène existe évidemment aussi à Berlin, mais nous avons justement tout fait pour nous en éloigner. Nous avons fait l’effort de rester seuls. Et ça nous a permis de faire un grand ménage, de nous éclaircir les idées : sans le langage, tu n’as pas accès aux médias. Et les médias sont une influence majeure pour les esprits. En nous coupant de ça, ça nous a laissé beaucoup d’espace mental pour le reste, pour que des choses plus intimes ressortent. Mais après un moment, j’ai réellement senti le besoin de me reconnecter, de retrouver ça, de retourner aux Etats-Unis. Et de boire toutes les infos ce que je pouvais trouver. Reste que le fait d’être perdus à Berlin a pour nous été un sentiment très productif.
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