Versatile, le nouveau Coldcut invente les instrumentaux militants, le jazz-rock austère. Brillant ou agaçant. Avec Coldcut, rien ne sert de courir, il faut attendre d’être à point. Autrement dit : cet album ne s’offre pas vulgairement au premier rendez-vous, il se conquiert doucement, le temps d’apprivoiser la flamme que cache son apparente frigidité. Il marque […]
Versatile, le nouveau Coldcut invente les instrumentaux militants, le jazz-rock austère. Brillant ou agaçant.
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Avec Coldcut, rien ne sert de courir, il faut attendre d’être à point. Autrement dit : cet album ne s’offre pas vulgairement au premier rendez-vous, il se conquiert doucement, le temps d’apprivoiser la flamme que cache son apparente frigidité. Il marque néanmoins un tournant qui risque de creuser davantage le clivage entre admirateurs et détracteurs du groupe, amenés à pratiquer le dialogue de sourds pour longtemps, tant on pourra désormais les aduler ou les haïr pour les mêmes raisons. A savoir : un refus de stagner poussant à l’expérimentation forcenée qualifiée d’hermétisme intello , un souci du détail proche de la perfectionnite aiguë confondu avec une virtuosité stérile et un militantisme de plus en plus apparent, notamment en faveur des mouvements écologiques « qu’ils aillent faire de l’agit-prop au Parlement ». Frustrés de « passer plus de temps sur les machines qu’à faire véritablement de la musique » sur les séries DJ Food, Matt Black et Jon More avaient la volonté de revenir à leur « innocence originelle » pour ce projet, le premier album de Coldcut réalisé entièrement pour leur compte sans interférence d’une major.
Rien de tel qu’une jam improvisée avec un groupe de musiciens pour espérer désapprendre les merveilles de la technologie et ranimer le goût du jeu. Réunis autour de Bernard Purdie (batteur de légende chez Motown), de Cheyne Towers à la basse (du groupe jungle de Manchester Jimpster), de Tom Chant au saxophone et de Coldcut aux platines, huit titres furent ainsi enregistrés, capturant l’énergie live de sessions débridées. Pressés sur vinyle, ces morceaux furent ensuite mixés aux platines, coupés, trafiqués, reprogrammés puis condensés en deux titres, I’m wild about that thing et le somptueux Rubaiyat à la forte tonalité jazz-rock sans les abscons solos à rallonge. Boulimique d’expériences, Coldcut a tenté moult autres façons « nouvelles et amusantes de faire de la musique » tout en réconciliant c’est la grande affaire de ce disque la musique instrumentale avec le commentaire sociopolitique. Inaugurée avec le virulent plaidoyer antinucléaire Atomic Moog, la critique se poursuit en toute subtilité avec une stigmatisation de la déforestation équatoriale (le ruisselant Timber) suivie du bouleversant Pan opticon, construit autour d’extraits sonores d’un document vidéo montrant une manifestation d’opposants à la construction d’autoroutes. La suggestion ayant ses limites, Jello Biafra, âme des Dead Kennedys et militant acharné de la liberté d’expression, est venu enflammer More beats & pieces de son verbe dangereusement corrosif. Difficile, déroutant, parfois même apocalyptique et surtout extrêmement versatile, cet album n’a rien d’accrocheur pour les mélodies à fredonner sous la douche, il y a Oasis. Seules une attention soutenue et l’exploration du CD-Rom offert en bonus permettront de recomposer le dessein audacieux de Coldcut, seul contre mille à prouver qu’institution ce groupe en est une peut encore rimer avec rébellion.
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