Let It Be

Janvier 69 : ça caille à Londres, et l’année ne s’annonce pas érotique pour tout le monde. Las des sessions en studio, les Beatles, poussés par un McCartney plus dictatorial que jamais, décident d’enregistrer un album live et sans artifice, façonné lors de ce qu’on appellera les Get Back Sessions. La troupe se retrouve dans les studios de cinéma Twickenham, entourée de caméras. Les tensions, palpables sur l’album blanc, s’affichent désormais au grand jour. Pour détendre l’atmosphère, l’organiste Billy Preston est convié, sous les yeux de Yoko Ono, plus présente que jamais, et de Linda McCartney. Après un passage par les studios de Saville Row, puis par le toit de l’immeuble Apple pour un ultime concert devenu mythique, le disque n’est finalement pas publié. Et c’est après avoir refusé deux versions proposées par l’ingénieur du son Glyn Johns que les Beatles feront appel, un an et un album plus tard, à Phil Spector. Conséquence, lorsque sa version de Let It Be, très orchestrée, paraît en 1970, les Beatles sont déjà séparés.Pour l’anecdote, McCartney, qui n’avait jamais accepté le travail de Phil Spector, se réappropriera, trentetrois ans plus tard, Let It Be, pour en gommer les fioritures et orchestrations, et lui substituer un plus sobre Let It Be… Naked. Paru après Abbey Road, Let It Be vole moins haut que ses deux prédécesseurs. Si le songwriting Beatles assaisonné à la sauce “wall of sound” est séduisant, le reste de l’album ne convainc qu’à moitié (I Me Mine). On lui reconnaîtra cependant le mérite de proposer l’un des solos de guitare les plus sexy de l’histoire de la pop sur le morceau éponyme. Au-delà du contenu, l’album mérite l’attention en ce qu’il témoigne de la fin des sixties et du besoin de délaisser les sentiers battus de la pop (la même année, les Stones répondront avec Let It Bleed, les Stooges sortiront le premier album punk).

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