Quatre ans après son dernier concert sur le sol d’Aix-les-Bains, Lescop a fêté son retour pour la 15eme édition de Musilac. Dans la chaleur étouffante du bord de lac, l’héritier de la cold wave anglaise est venu défendre son second album : « Echo ». Pari réussi.
Quelques minutes avant son passage sur scène, Lescop ne laisse rien transparaître des ses émotions. Au bord du lac du Bourget, le chanteur révélé en 2011 avec le morceau La Forêt semble inaccessible à la torpeur qui l’entoure. D’un calme marmoréen avec son tee-shirt blanc et ses lunettes noires, le natif de La Rochelle raconte la genèse de son deuxième album : Echo. Centré sur des personnages qui semble tout droit échappé de Twin Peaks, cet album à la beauté glaçante dévoile une nouvelle facette de l’ancien chanteur du groupe Asyl. Loin de l’étiquette d’héritier d’Etienne Daho trop souvent rattachée à lui, Mathieu Peudupin (de son vrai nom) s’épanche ici sur ce tournant musical. Ou encore sur la photographie, PNL et Damso.
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Entre ton premier et ton second album, il s’est écoulé quatre années. Qu’as-tu fait durant cette période ?
Lescop – J’ai passé deux ans en tournée puis j’ai pris un peu de temps pour moi, ce que je n’avais pas eu le temps de faire jusque là. J’ai également commencé à écrire un scénario de film, qui sera peut-être destiné à devenir une série en fin de compte. J’avais besoin de faire autre chose que de la musique. Je me suis remis à écrire par tâtonnements.
Pour la création d’Echo, tu t’es fixé un rythme d’un morceau par jour, ce n’était pas trop stressant ?
Ce processus est venu à partir du moment où j’en avais assez de faire et de refaire des versions différentes des mêmes morceaux qui me convenaient pas, aux alentours de l’été 2015. Je me suis dit qu’il fallait que j’avance, et pour avancer vite, autant aller vite. A partir du moment où j’ai adopté cette méthode, tout s’est enchaîné.
L’écriture de scénario, cela fait longtemps que tu y aspires, c’est en train de se réaliser ?
C’est en train de prendre forme oui. C’est toujours un peu long. Mais l’écriture est terminée. J’ai toujours été un perfectionniste, certains diront maniaque, c’est mon côté Asperger. Dans ma tête tout est clair mais la matérialisation concrète prend beaucoup du temps avant que j’en sois pleinement satisfait.
Et quel est le fil rouge ?
C’est un polar assez froid et sombre. Une traversée d’une ville d’Angleterre de nuit. Quelque chose qui se situerait entre les films de Jean Pierre Melville et les Warriors.
Tu avais enregistré ton premier album (Lescop) en Angleterre et le second (Echo) à Paris. Ca change quoi pour toi ?
Echo parle beaucoup de Paris, alors que Lescop évoquait ma migration de La Rochelle à Paris. Avec des morceaux comme Paris s’endort, j’exposais ma vision de provincial qui débarque dans une grande ville. Maintenant que je connais un petit mieux Paris, j’ai voulu décrire sa population, son ambiance. On y rencontre beaucoup de gens mais en réalité, on les connaît peu. C’est l’inverse d’une petite ville. Je ne dis pas que l’un est mieux que l’autre, c’est juste différent. Personnellement j’apprécie cet anonymat relatif.
Écho est un album plus joyeux, plus dansant, c’était recherché ou cette atmosphère est venu naturellement ?
C’est un album qui n’est pas forcément joyeux mais qui est bienveillant. L’album parle, je n’irai pas jusqu’à dire de rédemption, mais de mutation de gens. Il y a beaucoup de personnages que j’ai inventés qui sont inspirés de personnes que je connais. En tout cas, Echo est plus apaisé que Lescop, qui était un album très guerrier. Même si je me moque un peu de mes personnages, car je suis assez dur avec eux, je m’en moque avec bienveillance. Et puis il y a une partie de moi en eux.
Comme la chanson David Palmer ?
Ou du garçon dérangé. Je pense que dans tous les albums on se raconte au travers de personnages, d’avatars… Mais je pense surtout que j’ai changé de vision artistique. Quand j’étais plus jeune, je pensais qu’un artiste devait forcément être quelqu’un de reclus, qui observe la société de l’extérieur. Vivre seul et s’étourdir de lectures, de drogues, de travail solitaire. Avant je me sentais beaucoup plus en marge. Je ne réfute pas ça, mais j’ai changé. C’est un peu con à dire mais j’ai envie d’être dans mon époque, de l’observer de l’intérieur et d’en rapporter ma lecture.. Je pense que c’est le rôle d’un artiste d’observer différemment les choses. Même en peinture, c’est évident, en tout cas quand c’est figuratif. Comme Van Gogh qui voit les champs de blé bleu.
Tu parles de la peinture, je rebondis sur la photo. Pendant la période de création tu t’es beaucoup inspiré de livres de photos. Qu’est ce qui t’a le plus marqué ?
J’ai été inspiré par de nombreux photographes mais également par des magazines d’actualité, de mode, de musique.. Mais ma source principale et inépuisable reste la collection de mes parents, qui possèdent des tas entiers de magazines Zoom des années 80. J’adore ses couleurs saturées. D’ailleurs, c’est marrant car on les retrouve aujourd’hui dans les filtres Instagram. Il devrait les labelliser « le filtre Man Ray », « le filtre Nan Goldin ». C’est assez cocasse que nos outils numériques nous servent à imiter cette époque. Après j’ai aussi mes héros personnels, et j’assume ce côté hommage dans ma façon de faire. Je serai toujours un amoureux de David Bowie par exemple.
Et d’Etienne Daho !
Bizarrement oui mais plus dans sa façon de faire. Je pense qu’avec Etienne on est le même genre d’artiste, c’est peut-être pour ça qu’on nous compare souvent. Et puis l’on admire les mêmes personnes. J’en reviens à Bowie, Iggy Pop, Jim Morrison. Mon truc à la base c’est vraiment le rock’n’roll, que j’ai découvert par le punk. Les Doors, les Stooges, les Sex Pistols, le glam rock, T-Rex…. Ce que je fais est sans cesse une relecture de cet héritage musical.
Et la nouvelle scène française, elle t’inspire quoi ? La Femme, Fishbach, Paradis…
Les effets de mode font les mouvements et les mouvements font les effets de mode. Ce qui est sûr c’est qu’il y a une réalité, une façon de faire. Il faut juste faire attention, et je m’inclue dans cette remarque, à ne pas être redondant. Je n’aime pas l’entre soi donc il y a quelque chose qui me chiffonne dans cette catégorisation. On nous dit que l’on représente notre époque mais nous sommes juste des avatars d’une certaine catégorie sociale. Je vais te parler de chiffres, c’est moche mais c’est une réalité : j’ai 20 millions de vues de moins que n’importe quel clip de PNL. Et je les connais pas, je les ai jamais croisés. J’ai jamais rencontré Damso ou Vald. Des mecs qui représentent un gros truc pour une catégorie sociale qui est de l’autre côté du périphérique et au-delà. Et je me dis qu’il y a un truc qui ne s’est pas fait entre nous. Il y a un loupé. Je ne dis pas forcément qu’on devrait tous être copains mais c’est comme si deux univers musicaux ne se croisaient jamais. Et pourtant à choisir, j’estime que PNL représente plus la société d’aujourd’hui que moi. Le mec qui sera très fort c’est le mec qui arrivera à connecter la pop française et le rap actuel. Mon fantasme absolu, ça serait ce métissage musical au sens large.
Et tu aimerais y participer, pourquoi pas avec des collaborations sur un troisième album ?
J’aimerai bien oui. Je ne pense pas du tout que ça soit antinomique avec ma culture. J’ai toujours un peu râlé quand on me parlait de new wave car j’aime Etienne Daho et Joy Division mais pas plus que j’aime Gucci Mane ou Vince Staples. Quand j’étais gamin, j’étais dans un collège de province et on écoutait autant de rap que Nirvana.
Après Musilac tu enchaines avec Cabourg Mon Amour, tu aimerais tourner où après ça ?
J’aime tourner de manière générale. J’aimerai bien partir un peu plus à l’étranger. Là j’étais en Chine et c’était vraiment chouette. On a réussi à monter une tournée qui n’était pas juste pour les expat, on a joué dans des clubs à Pékin, à Shanghai…. Une chance de sortir de notre monde occidentalo-centré et de se rendre compte que des gens lookés qui font de la musique stylée il y en a Paris et à Londres mais aussi à Cap Town, Shanghai ou Kinshasa.
Pour terminer, quel est le morceau que tu as le plus aimé et détesté dernièrement ?
Mon coup de coeur du moment c’est Batuk. J’adore la chanson Daniel. Et le pire truc, si je peux tirer sur l’ambulance, enfin d’ailleurs qu’ils aillent se faire foutre, c’est les Beach Boys qui ont joué à la Maison Blanche pour Trump. C’était tellement à l’image de tout le reste, de cette horrible personne. Truffé de vocoder avec une multitude de drapeaux américains derrière, mon écoeurement était total. En regardant ça, j’avais l’impression d’avoir bouffé trois kilos de fraise Tagada…
Propos recueillis par Manon Michel
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