La cause est entendue ; tout le monde sait bidouiller les machines. L’art du tripotage et de la trituration est à la portée du premier venu, pour peu qu’il sache manier l’enregistrement sauvage, le filtre, la copie et le montage. Seulement voilà, l’art des bruits est une science de l’instinct qui demande une subtilité dans […]
La cause est entendue ; tout le monde sait bidouiller les machines. L’art du tripotage et de la trituration est à la portée du premier venu, pour peu qu’il sache manier l’enregistrement sauvage, le filtre, la copie et le montage. Seulement voilà, l’art des bruits est une science de l’instinct qui demande une subtilité dans l’organisation du son. Combien de bandes magnétiques, de musiques électro-acoustiques encombrent à la fois les étagères des compositeurs eux-mêmes et celles des bibliothèques sonores ? Heureusement, ce n’est pas le cas de Denis Frajerman qui, avec ses nouvelles Suites Volodine, revisite sur un plan acoustique l’univers tortueux et hautement fantastique de l’écrivain Antoine Volodine, guidé par ses livres Biographie comparée de Jorian Murgrave, Le Port intérieur et Lisbonne dernière marge. Cofondateur du groupe Paolo Alto depuis 1991, Frajerman a participé aux disques Grands succédanés (92), Trash et artères (94) et au récent Le Disque dur (sur le label Organic), il publie également des k7 (Le Cos, Extrême ponction, le nom des arbres et La Cassette : alive anthology) et compose pour la danse (Nuit d’os avec Sandrine Bonnet, en décembre 1996), le cinéma et la vidéo (Questions d’observation pour le Centre Pompidou, en 1995). A la suite d’Albert Roussel, d’Alphonse Allais et de quelques autres, Volodine glisse parfois dans ses textes des mots totalement inconnus qui renforcent l’étrangeté du récit ; Frajerman ne procède pas autrement, son langage rumine de mystérieux objets sonores, enregistrés et retravaillés en studio. Ses rythmes rampent en dodelinant de la tête et les voix sont comme des brouillards qui s’échappent en fumée de la bouche d’une caverne. De petites mélodies s’élèvent avec candeur, accompagnées d’un cliquetis métallique tels des fantômes, elles hantent un univers labyrinthique et s’évanouissent dans un souffle. Quelques éléments naturels s’engouffrent par la porte. Le vent, la pluie et quelques bruits ponctuent l’espace recomposé de ces Suites Volodine, inspirées autant par les harmonies glacées du défunt Tuxedomoon que par le carnet de voyage, onirique et capiteux, de la trilogie bowienne Low/Heroes/Lodger.
Franck Mallet
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