Julian Casablancas a enregistré à part les voix du nouvel album des Strokes. Vieilles rancoeurs, absence de communication : Angles, qui sort aujourd’hui, pourrait bien être le dernier disque du groupe. Qui dit pourtant le contraire.
Un ressentiment si profond et des liens si distendus que Fraiture, Hammond Jr., Valensi et Moretti ont finalement décidé un jour de faire sans lui. “Julian avait été parfaitement clair sur son mécontentement vis-à-vis des Strokes, mais il était difficile de comprendre exactement d’où il provenait. Au bout d’un moment, nous, les quatre autres membres du groupe, avons décidé de louer un studio, d’utiliser notre budget et de se dire ‘soit ça marche, soit ça ne marche pas’. Il était temps d’avancer, nous n’avions pas le choix. On avait écrit quelques trucs avec lui, mais le processus concret d’entrer en studio et de tout enregistrer s’est fait sans Julian. On lui a envoyé les morceaux, sur lesquels il a, de son côté, posé ses voix. Fonctionner comme ça a été étrange pour nous. A l’évidence, ce n’est pas ce qu’on espérait.”
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Problème : même sans le colérique chanteur, ça n’a d’abord pas marché. Les rumeurs et informations filtrant de l’enregistrement n’étaient pas rassurantes. Les premières sessions, produites par Joe Cicarelli à New York, ont purement et simplement été mises à la corbeille par les Américains. Ils ont alors tant bien que mal, mais plus mal que bien, repris le travail à zéro dans le studio campagnard d’Albert Hammond Jr., cette fois accompagnés d’un unique ingénieur du son.
Pas plus de Casablancas, et toujours pas simple : une source au sein du label nous expliquait même en décembre le report sine die d’un album impossible à boucler et sur lequel il comptait pourtant pour embellir son exercice fiscal 2010, clôt fin mars. “C’était du touch and go, on s’y mettait, on s’arrêtait, on reprenait, décrit Fraiture. Notre processus n’est pas fluide, les choses ont été assez intenses : nous avons eu des hauts très hauts mais des bas très bas. Quand la communication se brise, que plus rien n’évolue, que personne ne veut bouger… C’est la chose la plus difficile, quand quelqu’un espère que ses potes ne sont pas en colère pour des raisons musicales : tout cela finit de toute façon par compliquer nos relations.”
Un peu plus saignant, Nick Valensi a, quant à lui, décrit sur un site US un processus “affreux”. “Travailler de manière fractionnée, ne pas avoir de chanteur… On avait l’impression que 75 % de l’album avait été fait ensemble mais que le reste était à l’abandon, certains d’entre nous ramassant les pièces pour essayer de finir le puzzle.” Pas glop. Le miracle est sans doute que le groupe n’ait pas alors implosé. Qu’il ait réussi à boucler son cauchemar et que ledit cauchemar, Angles, ne semble pas tout à fait être la catastrophe annoncée. Quand il tente la relecture du propre héritage des Strokes, Angles peine à convaincre – Under Cover of Darkness, premier morceau entendu, était à ce titre très décevant, d’autres ne faisant pas mieux. Mais quelques chansons beaucoup plus aventureuses (la géniale Machu Picchu, Metabolism, Call Me Back ou You’re So Right) rappellent que les Strokes ne sont pas adulés pour rien : dans de meilleures conditions, il resterait encore aux Américains bien des choses à accomplir.
Mais une fois le SAV du disque assuré, les passages télé enregistrés et les tournées bouclées, reste à savoir si les profondes blessures et le blocage relationnel total sont surmontables. “A partir du moment où nous arriverons à trouver ce point où chacun de nous est content et confiant, alors nous continuerons pour l’éternité”, explique Fraiture. Sauf qu’il semble impossible de satisfaire tout le monde au sein des Strokes. Silence, puis : “Oui, mais… Oui. On essaie.” Sauf que Julian Casablancas, autour de qui tout tourne, semble déjà très, très loin des Strokes. “J’espère qu’on pourra un jour en parler longuement avec lui, et trouver des réponses”, conclut Fraiture. Ça semble mal barré, mais les dernières nouvelles semblent rassurantes : le groupe aurait décidé d’enchaîner, au plus vite, avec un cinquième album.
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