1989 : sortie de The Stone Roses, meilleur premier album de tous les temps selon les Anglais. 2009 : réédition de ce chef-d’oeuvre de pop céleste au groove flamboyant. Au sommet, le groupe explosera en plein vol… Histoire de l’un des groupes britanniques les plus marquants de la fin du siècle dernier.
Toutefois, contrairement à ce qu’on pourrait croire, leur premier album ne provoque pas à sa sortie une flambée immédiate, s’octroyant une dix-neuvième place tout au plus honorable dans les charts anglais. Ce n’est qu’à la parution quelques mois plus tard du maxi inédit Fools Gold et ses dix minutes d’un groove à faire passer James Brown pour un mormon arthritique que le groupe trouvera enfin sa vitesse de croisière. Celle d’un rouleau compresseur au moteur de bolide, qui va tout emporter sur son passage – y compris, malheureusement, lui-même. Ce léger retard à l’allumage n’est rien comparé aux années d’apprentissage laborieuses qui ont conduit à faire des Stone Roses le seul canard boiteux à s’être jamais métamorphosé en paon. “I am the resurrection”, clament-ils sur la longue apothéose de l’album, et pour cause : ça fait déjà dix ans que le groupe est ballotté d’une promesse à l’autre, qu’il se cherche une identité et se soumet à des mutations pour le moins approximatives.
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[attachment id=298]Ian Brown et John Squire ont conduit ensemble ou séparément des projets depuis 1979 – les Mods de The Patrol ou encore The Waterfront qui lorgne vers le funk blanc écossais d’Orange Juice et du label Postcard – pour finalement se stabiliser à partir de 1985 sous le nom de The Stone Roses. Il leur faudra encore deux ans et pas mal de fausses pistes pour écrire une formule à quatre, avec cette section rythmique au nom de personnages de cartoon, Mani (Gary Mounfield) et Reni (Alan John Wren), la poutre porteuse du futur son du groupe. Leurs débuts vaguement gothiques, où ils se font martyriser par le gourou de la camisole d’enregistrement Martin Hannett, auraient pu assécher toutes leurs chances. Heureusement, les Stone Roses vont croiser la route d’un manager ambitieux, Gareth Evans, prêt à tout pour faire du groupe la vitrine de sa percée sociale à Manchester.
A la tête du club The International, modeste rival de l’Haçienda, Evans tente de poser ses pas dans les traces de Tony Wilson, l’omniscient boss de Factory Records. Wilson a laissé filer les Stone Roses, leur préférant les délinquants burlesques d’Happy Mondays, Evans se donne trois ans pour en faire le groupe leader de la vague Madchester. Le problème, c’est qu’en dehors de leurs petites gueules de branleurs, les Roses manquent sérieusement d’atouts et leurs chansons de relief. Ian Brown est un fin parolier – inspiré notamment par les situationnistes et féru de Mai 68 – mais il chante comme un pneu de Solex. Squire est à l’époque moins libre de ses mouvements avec sa guitare que face à ses toiles. Ils finiront par être aiguillés sur une bonne piste par Geoff Travis, qui pense alors les enrôler sur son label Rough Trade et leur conseille de travailler avec John Leckie.
Les Stone Roses signent finalement avec Silvertone mais conservent la carte Leckie, un vétéran des studios qui a fait ses classes à Abbey Road comme assistant de George Martin et a travaillé ensuite aussi bien avec Pink Floyd qu’avec Magazine, The Fall ou Public Image. L’une des dernières productions portant à l’époque sa marque est celle de The Dukes Of Stratosphear, brillant pastiche acid-rock derrière lequel se cachent les facétieux membres de XTC et qui va servir de matrice aux Stone Roses pour réinventer un élixir psychédélique qui ne sente pas le vieux buvard, mais puise au contraire son euphorie et sa pétulance dans les clubs extatiques de la ville. Du christique et exalté I Wanna Be Adored aux enturbannés Waterfall, Don’t Stop ou Made of Stone, du sensuel et félin She Bangs the Drums aux gracieusetés pop de Bye Bye Badman ou Sugar Spun Sister, de la broderie sur la mélodie de Scarborough Fair (Elizabeth My Dear) aux rampements stoniens (Rolling et Sly) de Shoot You down, il n’y a pas une seconde de perdue dans ce disque ni un seul égarement narcissique.
Tout le contraire du second, qu’ils mettront cinq douloureuses années à expulser et dont personne, le moment venu, n’aura le coeur à fêter l’anniversaire.
Réédition : The Stone Roses – 20th Anniversary Edition (Silvertone/Sony)
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