Les sidérants Young the Giant

On a d’abord lu “Young Marble Giants” sur la pochette, et on s’était réjoui. Mais ce qu’on a entendu étant à l’extrême opposé du minimalisme jovial des Gallois, on est vite allé chez Afflelou. Ça tombe bien : des pages à lire, on en trouve des tonnes sur le net depuis les récents concerts du groupe californien au festival CMJ de New York – genre de grande kermesse où l’industrie vient boire du sang neuf à la paille. Toutes évoquent une présence scénique imposante, voire dangereuse : on n’est pas surpris à l’écoute de ce premier album qui a sauté l’étape “refrains” pour directement s’étalonner sur le mode “hymnes”. A la façon des Kings Of Leon, dont ils partagent les ambitions de titans, l’énormité tentaculaire des sons, mais pas l’indigence des chansons, ces Californiens sont effectivement taillés pour la grandeur, la démesure. Et pourtant, là où tant d’autres, privés de cette voix magnifiquement désinvolte et de ces guitares souples, convulsives, s’embourberaient dans un rock héroïque de carnaval, avec son pathos en Pataugas, eux demeurent sur le qui-vive, le geste tendu, précis, jamais frimeur. Comme leurs concitoyens de Cold War Kids, dont ils seraient une version déminée, désintoxiquée, ils jouent ainsi sur le paillasson même de la grandiloquence, mais sans vraiment franchir le pas : il y a toujours, dans ces I Got, Strings ou My Body, un choeur aérien, du mercure dans les veines, une mélodie innocente ou cette diabolique nonchalance West Coast pour empêcher le mur du son de devenir le mur de la honte. Young The Giant pourrait ainsi parfaitement être le groupe de Tucker Crowe, la rock-star fugitive et inventée du dernier roman de Nick Hornby, à l’influence revendiquée par R.E.M ou Coldplay – car c’est bien dans cette ligue des stades dignes que risque très vite de jouer Young The Giant. Jeunes encore, mais très bientôt géants.

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