L’insaisissable Australien s’offre un album de covers à moindres frais, un challenge audacieux qui tend à révéler le vrai visage de ce jusqu’au-boutiste sans égal.
La pop est devenue ridicule, mieux vaut la tourner en dérision. Voilà en quelques mots la motivation première qui anime l’enfant terrible australien depuis plus de six ans. Son œuvre transpire le kitsch, le mauvais goût et le second degré. Rien de plus naturel donc à ce que Kirin J Callinan vienne agrémenter sa discographie déjantée d’un disque de reprises, Return to Center.
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Synonyme d’argent facile pour certains, de panne artistique teintée de ringardise pour d’autres, l’album de reprises est un art du risque, une discipline périlleuse à l’apparence légère qui n’en finit pas de séduire. Maître incontesté de l’ironie depuis la sortie de l’immense Bravado en 2017, le fauteur de troubles originaire de Sydney ne pouvait alors pas échapper à cet exercice de style sans introduire une difficulté supplémentaire poilante : acheter tout le matériel nécessaire au magasin de musique du coin et enregistrer chaque morceau avant que le droit de rétractation n’arrive à échéance.
A l’été 2018, Callinan pose ses valises à Los Angeles, dans une maison des alentours de Silver Lake, pour plancher sur son troisième album. Il souhaite le concevoir dans un temps imparti, avec une palette sonore précise et spécifique. Épaulé par plusieurs potes musicien.ne.s, dont le producteur François Tétaz, couronné d’un Grammy en 2012 pour son travail avec le chanteur Gotye, il file au Guitar Center des environs, la plus grande chaîne de revendeurs d’instruments des États-Unis, avec l’idée d’y dépenser ses 8000 dollars (7100 euros environ) de budget prévu pour le disque. La bande espère ainsi enregistrer, mixer et masteriser le projet avant de retourner la totalité des équipements sans perdre un centime. En quatorze jours, Return to Center est bouclé.
Dans cette urgence, l’Australien choisit de revisiter ses titres favoris. De Public Image Limited (Rise) à Matching Mole (Signed Curtain), en passant par Momus (The Homosexual) ou encore Ultravox (Vienna), la sélection majoritairement héritée des années 1980 révèle l’influence indéniable que chaque morceau a pu avoir sur leur nouvel interprète. Tous sont repris avec une ferveur déconcertante, doublée d’une sincérité telle qu’ils ne laissent presque aucune place à la dérision.
Porté par une production pompeuse jubilatoire, Life Is Life, pioché chez Laibach, écarte toute bouffonnerie dès les premières minutes. La version bowiesque de The Whole of The Moon des Waterboys ou l’interprétation sous tension du Pretty Boy de Randy Newman dissipent également le second degré cher au trublion.
En s’emparant des chansons qui ont façonné son développement personnel et artistique, Kirin J Callinan semble reléguer son personnage foutraque en arrière-plan. Le dandy extravagant s’affiche désormais plus authentique que jamais. Puis Return to Center, seul inédit instrumental, laisse échapper un rire moqueur et démentiel. On s’imagine alors qu’il nous a encore bien eus.
Return to Center (Terrible Records/Caroline)
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