Accoudé sur la table, Laylow sort une cigarette de sa sacoche. “Tu vois Kurt Cobain, il portait une douleur en lui, à tel point que ça en était touchant”. Il continue à nous parler du chanteur grunge en tirant une bouffée. Derrière des lunettes fumées, Laylow incarne dans ses textes cette posture mélancolique, celle du […]
Laylow et Wit font partie du DigitalMundo. Un monde rythmé par les basses fréquences, où l’anarchie s’allie à la mélodie. Rencontre avec deux MCs hors-normes. Leur dernier clip « WAVY » est à découvrir en avant première.
Accoudé sur la table, Laylow sort une cigarette de sa sacoche. « Tu vois Kurt Cobain, il portait une douleur en lui, à tel point que ça en était touchant ». Il continue à nous parler du chanteur grunge en tirant une bouffée. Derrière des lunettes fumées, Laylow incarne dans ses textes cette posture mélancolique, celle du romantique replié dans une chambre d’hôtel au papier peint défraîchi : « T’étais tellement belle que j’t’ai suivie moi / Y’a plus une seule rose dans le bouquet final » (10′ sur l’album Mercy). Pour Laylow les fleurs fanent vite, parfois en à peine dix minutes lorsque les femmes l’éblouissent, chauffent son cœur et finissent par le malmener.
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De l’autre côté de la table, en face de lui, Wit a le regard absent, un insecte vient de se poser sur ses doigts, il le laisse avancer en soulevant ses mains. Pour lui, les fleurs ne fanent pas comme l’amour mais peuvent représenter la faiblesse des hommes : « Es-tu fier d’être frêle comme une fleur en hiver ? » (Fruit du Mépris sur l’album Dawa). Wit avance méfiant, « le troisième œil ouvert » comme il le dit souvent. Les femmes ne sont pas son soucis premier, lorsqu’il rappe avec un débit effréné c’est par nécessité. Les deux rappeurs n’ont pas l’air d’avoir la même lecture du monde pourtant ils sont complémentaires au sein du DigitalMundo, le nom de leur label.
Les basses fréquences
« Au début je ne voulais même pas d’instrumental sur mes textes » raconte Wit en touchant son tatouage du genou, dévoilant un signe anarchique. Lorsqu’ils se rencontrent à Montpellier, Laylow a déjà une certaine expérience de la musique et de l’industrie. Il a du recul et une ouverture à tous types de mélodies. « Je peux écouter aussi bien une compilation funk que des arpégiateurs » dit-il en imitant les notes synthétiques avec sa bouche pour expliquer l’effet qu’elles produisent. Les deux rappeurs partagent leurs textes et la magie opère. Après Digital Night, leur première mixtape commune, ils continuent leurs projets chacun de leur côté. Ils se retrouvent pour des featuring ou lorsqu’ils travaillent leurs instrumentales ensemble. « Quand j’ai fini Villa sur la côte [extrait de son dernier album], je trouvais que le morceau manquait de relief. Je l’ai envoyé à Wit et il m’a proposé d’ajouter des basses coupées » raconte Laylow. Et lorsque Wit intègre des prods, c’est d’abord les siennes. Il apprend de manière didactique à créer ses propres instrus toujours dans un soucis de préserver la pureté de son art. Leurs morceaux se reconnaissent dans le choix des basses, qu’elles soient sombres, dansantes, ou électrisantes, elles constituent la majorité de leurs morceaux. Celles qui font vibrer les enceintes, les organes et donnent des sensations dans la poitrine tout près du coeur.
Le monde digital
La définition du Digital a de multiple facettes pour Laylow, ça peut par exemple prendre la forme du tutoriel, omniprésent sur la toile : « aujourd’hui tu veux te colorer les cheveux ou faire voler un drône : tutoriel. » Pour Wit c’est aussi une nouvelle ère, comme celle des Lumières, une manière de transmettre son propre message au-delà des institutions établies : « j’en veux à l’éducation nationale : à l’école l’Histoire passe par un prisme beaucoup trop occidentalisé. » Tatoué en grand sur son dos, le croissant de lune et l’étoile du drapeau algérien…. Une partie de son corps que le collectif de vidéastes TBMA (les initiales de Travis Bickle, Robert de Niro dans Taxi Driver et Monsieur Anderson, Néo dans Matrix) met en valeur dans ses clips. TBMA réalise tous leurs visuels dans une ambiance rétro-futuriste avec des images léchées, montées au rythme des basses. Ils sont aussi à l’aise à Istanbul où ils mettent en scène Laylow dans un rôle de James Bond moderne poursuivi par des mafieux dans Division Rouge, que dans un camp gitans où Wit creuse une tombe dans le sable avant de monter sur un cheval sauvage sur son morceau Annaba.
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Dans leur style rien n’est laissé au hasard, leurs amis designer Fattoyz dessinent la plupart de leurs vêtements : « on a besoin de personne en fait, seulement d’un studio d’enregistrement pour mixer nos morceaux » conclut Laylow. Le DigitalMundo s’organise en famille loin des majors et du formatage. Wit allume une cigarette à son tour, Laylow envoie le briquet. La fraise de la cigarette illumine ses yeux comme eux illumineront bientôt toute la ville.
L’album Digitalova de Laylow est disponible sur Apple Music. Tout comme Dawa, celui de WIT.
Crédit photo : TBMA
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