Fort de ses deux albums sortis en début d’année, I’m wide awake it’s morning et Digital ush in a digital urn, et de son concert parisien cette semaine, l’américain Conor Oberst et son groupe Bright Eyes sont à l’honneur sur lesinrocks.com avec un clip et deux titres en écoute.
Mine de rien, cela fait une bonne dizaine d’années que Conor Oberst publie, avec une régularité qui frise la névrose, ses chansons pas banales. Ainsi à 24 ans, ce jeune américain originaire d’Omaha dans le Nebraska est déjà à la tête d’une discographie qui fiche le tournis, pour peu qu’on s’y attarde.
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A 13 ans, Conor publie sa première cassette. Une guitare, un magnétophone 4 pistes : des bouts de ficelles avec lesquels il publiera ses premiers enregistrements puis, au fur et à mesure des années, un nombre incalculable de chansons (on parle de plus de 200) au sein de différentes entités (Commander Venus, Bright Eyes, Desaparecidos, Park Ave ) sous toutes les formes possibles et imaginables (albums, cassette démo, EP, split-single, compilation caritative etc.)
Malgré la rudesse de ses enregistrements de jeunesse, lo-fi jusqu’au bout des ongles (sales de préférence), Conor a rapidement démontré ? en particulier dans le cadre de son projet le plus abouti, Bright Eyes – des capacités d’écriture qui font aujourd’hui de lui l’un des songwriters les plus courus des Etats Unis. I’m Wide Awake it’s Morning et Digital Ash in a Digital Urn, les deux albums que ce stakhanoviste publie en ce début d’année 2005 marquent d’ailleurs une avancée conséquente dans son songwriting et forment une drôle d’entité bicéphale, à la limite de la schizophrénie musicale.
I’m wide awake it’s morning, avec son classicisme country-folk de rigueur, s’inscrit dans la lignée de ses albums précédents : Merveilleux conteur, Conor y dépeint ? avec peut-être un peu moins de folie que par le passée ? ses errances, ses doutes et ses espoirs, sans jamais baisser les bras. En se présentant sous son meilleur jour mélodique, cette collection de chansons où banjo, pedal-steel, contrebasse et guitare acoustique créent un habile contrepoint à la voix torturée de Conor, est assurément son uvre la plus poignante à ce jour. La présence de son aînée (de presque un quart de siècle !) Emmylou Harris, ou de son camarade Jim James (My Morning Jacket), venus assurer les secondes voix sur une poignée de morceaux, témoignent en tout cas du degré de respectabilité que Conor a atteint dans son pays.
Au superbe exercice de style de I’m Wide Awake It’s Morning, Conor oppose l’ambitieux Digital Ashes in a Digital Urn, un manifeste de pop exubérante qui lui est diamétralement opposé. Tranchant singulièrement avec le minimalisme musical de son frère jumeau, Digital Ashes in a Digital Urn fait rentrer l’univers de Conor dans l’ère électronique. Saturé de sons étranges, d’instruments en tout genres et d’arrangements complexes, cet album conserve une dimension pop que certaines pépites comme Time of Code, Take it easy (love nothing) ou I Believe In Symmetry mettent joliment en valeur. Derrière l’évidente liberté musicale qu’il s’est octroyé pour cet album ? pour lequel il s’est attaché les services de quelques francs tireurs comme Nicolas Zinner, le guitariste des Yeah Yeah Yeahs ou Jimmy Tamborello, l’homme derrière l’épatant projet electro-pop The Postal Service -, c’est l’envie de briser la routine que l’on sent pointer chez lui, mais aussi, et surtout, d’affirmer une ouverture d’esprit bienvenue.
Curieusement, ces deux albums pourtant si éloignés musicalement, ont été réalisé par le même collectif de musiciens, tous originaire de la même ville que Conor, Omaha (Nebraska), et gravitant autour du label Saddle Creek, dirigé par l’un d’entre eux, Robb Nansel. Tous amis depuis l’enfance, ils sont à la tête de formations aussi différentes que Cursive (punk), The Faint (new-wave) ou Lullaby for the working class (pop éthérée), et s’entraident entre eux, apparaissant sur les disques des uns et des autres, sans s’imposer ni en rajouter.
Et, en effet, qu’elles soient revêtues d’un chapeau de cowboy usé ou attifées à l’emporte-pièce, ces chansons en partie autobiographique sont reliées entre elles par la personnalité singulière de leur auteur. Pleines de bleus à l’âme, elles évoquent la solitude, l’ennui, et l’anonymat de l’Amérique middle-class, offrant à la génération de Conor un miroir troublant de vérité.
Mais Conor est trop malin pour courber l’échine, tout en commentant la mort dans l’âme sur une musique triste comme la pluie, la déliquescence des vies de ses pairs. La guitare en bandoulière, la voix écorchée de ceux qui en savent déjà trop, il fonce tête baissée et commence sa propre révolution. Comme chez Dylan ou Springsteen, deux influences majeures auxquelles certains critiques n’ont pas manqué de le comparer – et ce malgré son jeune âge ? le medium musical sert de catharsis. Ce n’est ainsi pas un hasard si Conor fût invité en octobre 2003 à participer à la tournée Vote for Change quelques semaines avant les élections américaines : ses chansons amochés, mais qui jamais ne baissent le regard, sont autant de protest-song qui font croire à un monde meilleur.
Pour vous faire découvrir ces deux albums majestueux, lesinrocks.com ne résiste pas à vous proposer de voir le clip minimaliste de Lua, superbe ballade extrait de I’m wide awake it’s morning. Nous vous proposons également d’écouter un titre de cet album, We are nowhere and it’s now, et un titre de Digital ush in a digital urn intitulé Gold mine gutted (à découvrir en passant le curseur de la souris sur le bouton AUDIO/VIDEO en haut de page).
– www.saddle-creek.com
– www.thestoryinthesoil.com
Avec l’aimable autorisation de PIAS
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