L’artiste accompagne la sortie de son premier album par une poignée de concerts. En attendant son passage à la Boule Noire, récit de sa prestation en première partie d’Aston Villa à la Cigale de Paris.
« Oui, Oui, c’est bien lui, le Melvil de la télé » ou plutôt du ciné dis-je à la demoiselle à l’origine d’une question parfaite pour la « Star-Académie des Neuf », parce que l’Antoine Doinel des années 90, l’éternel ado désespérément grand et beau, trempé dans la nouvelle vague jusqu’au cou, au prénom si symbolique, est un enfant du cinéma d’auteur, pas vraiment de la télé d’Arthur !
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Le poupon des plateaux de Rohmer à Ruiz, qui est chargé ce soir de l’échauffement du match amical entre Aston Villa et son public dans une Cigale pleine comme le stade de Colombes à la grande époque, est en grande forme musicale. Melvil est sorti de l’expérience MUD grandi, alors qu’il aurait pu à force de jouer la carte « famille je vous aime » s’embourber dans de la gentille parodie de musique de potes à la cafet’ pour après-midis chiantes à la fac. Mais en chantant tous les été (et les hivers), le poly artiste ne s’est pas encroûté dans une polyarthrite aiguë et a fait un méga come-back à la scène sous son nom. Comme quoi chanter tout en faisant les saisons avec Rohmer, ça ouvre automatiquement les portes d’une Cigale, et en sus, l’insecte semble plus surpris que pris au dépourvu…
Melvil bise ses premiers rangs d’un « salut Paris », chante assis aux côtés de son frère Yarol, dans son plus simple appareil musical, juste avec une guitare acoustique pour la rythmique et un micro pour les mots. Dans ce concert d’un peu plus d’une demi-heure, le trio (Melvil a aussi invité un bassiste électrifié à le rejoindre) attaque la scène avec motivation. Yarol crie son amour du « rock n’roll » avec un ou deux clichés glissés sous le capo, mais place quelques accords plus folk que hard sur sa six cordes pour rappeler qu’il n’est pas là que pour déconner.
Le farfadet de FFF retrousse son manche pour parfois partir dans les solos hauts en rigueur, beaux en couleurs bossa, blues, funk ou carrément indescriptibles. La simplicité des textes du premier extrait de l’album « Non, non, je ne veux pas croire à ce petit monde là, ce monde qu’on voit de chez soi… » servi sur des mélodies toutes aussi modestes paraissent efficaces live. Melvil, en communiquant séduisant demande si ça va ? Il entend une vague de « oui!!! », puis redouble d’ardeur sur ce même refrain de « Simple appareil », un bon deuxième titre – et tube ? – de ce premier album.
Yarol continue d’attirer les regards interloqués des supporters venus acclamer le plus « Midlands » des groupes français. Il évoque même Manu Chao, avec son bonnet et son mouvement de poignet syncopé. Melvil semble se servir d’une culture musicale vaste, des Byrds à Bob Dylan, de Ben Harper à Grateful Dead, ses mélodies se font aériennes puis étonnement terre à terre, soutenues énergiquement tout le temps par la basse, on craint au beau milieu de concert que Poupaud ne se fasse hara-kiri avec ses chansons pour rouler des mécaniques devant les minettes gentillettes, ne se retrouve bombardé de Kiri, par des astronomes punk en culottes courtes et déchirés.
Avec ce genre de scénarios fictionnels, on peut vite tomber dans le mélodrame. Vite, il faut un antidote, une solution car s’il n’y a pas rupture de ton dans la minute, une saccade rythmique salvatrice, une explosion du format, on court droit vers une fin de concert lassante. C’est là que quelque chose d’extraordinaire se passe, un tremblement de terre, un miracle visuel ! Le bassiste Cyril se lève, produit une sève psychédélico-lyrique rien qu’en passant ses nerfs avec application sur ses cordes, le décorum s’en trouve profondément changé. Ouf ! Merci Melvil.
Pause, de nouveaux remerciements sont amplifiés vers la fosse, à l’attention de la bande d’Aston. Ils n’ont pas arrêté d’affluer dans la bouche des Poupaud Frères, puis c’est reparti pour un tour de chant esthétique à trois voix. Effet polyphonique euphorisant, relent de « Mama and Papa’s » poppy et donnant sacrément bonne allure à la demi-douzaine de chansons extraites du premier album.
Mission accomplie pour le label Naïve, parvenu en quelques semaines à donner des envies de posséder d’urgence ce disque de star de l’écran noir reconverti provisoirement, comme il l’a fait aussi pour le premier album de Carla Bruni. Appréciable politique de signature en ces temps tourmentés, où le marketing musical frappe à tous les coins de rue.
La preuve, à quelques pattes de fourmis de la Cigale, le Divan du Monde célébrait la sortie de la très talentueuse (selon tout le show-biz et Laurent Boyer) et marquetée jusqu’à la moelle Leslie. « Je suis et je resterai » chante la graine de star de la ville du Mans, sponsorisée par M6, debout sur scène avec les Africains de Magic System, devant une assistance pleine de clones de Steevy, Léandro et autres grands ados frappés du sceau Popstars, il y a des fossés plus grands que les quatre mètres de largeur bitumée séparant deux trottoirs.
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