De Lomepal à Angèle, en passant par Nekfeu, Myth Syzer ou Maître Gims, les vidéos parodiques signées Alloalix sont particulièrement débiles et drôles. Deux bonnes raisons d’aller à la rencontre du vidéaste parisien qui s’amuse sur Instagram… quand il ne se consacre pas à sa propre activité de clippeur.
Hello Alix, je suis tombé sur tes vidéos par hasard en traînant tard le soir sur Instagram. Comment t’est venue l’idée de délirer sur les clips qui font la pop-culture de 2018 ?
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Alix – Tout est vraiment parti d’un délire. J’étais à l’aéroport avec ma sœur et je m’amusais à doubler les gens qui s’engueulaient devant nous. Juste pour rire. Un soir, je m’ennuyais, et j’ai décidé de reprendre l’idée de l’aéroport sur des clips. Le but était d’imaginer le son du tournage sans la musique. Evidemment, je connaissais les shreds américains devenus classiques comme ceux avec Michael Jackson. Mais personne n’avait vraiment traduit ça sur des clips français. En tout cas pas sur ceux que moi je regarde. Donc je me suis lancé ! Je crois que le premier que j’ai fait, c’était Lomepal. Je l’ai mis en ligne sur mon Insta, juste comme ça pour rire. Très rapidement, Lomepal a relayé la vidéo sur ses stories et en une journée j’ai pris 2500 followers… alors que je n’avais que 600 personnes sur mon compte. Je me suis pris au jeu et depuis j’essaie de continuer.
https://www.instagram.com/p/Bd9-_tvA-x_/?hl=fr&taken-by=alloalix
Les premières références qui viennent à l’esprit quand on regarde tes vidéos, ce sont forcément les détournements de Mozinor ou la version silencieuse de Dancing in the Street de Bowie et Jagger.
Mozinor, j’y ai pensé c’est vrai. Mais ça date un peu maintenant. Je regardais ses vidéos quand j’étais jeune mais je crois qu’il a complètement arrêté. Il s’amusait à doubler des films en transformant les dialogues. Il faisait des blagues aussi. Moi j’essaie juste de rebalancer exactement les mêmes paroles mais chantant faux. Et en essayant de recréer l’ambiance nette du tournage. Je regarde plein de clips et j’en fais aussi puisque je suis réal. D’ailleurs c’est marrant qu’on se rencontre parce que Les Inrocks ont reposté un des mes clips il n’y a pas longtemps. Dans la vidéo où vous montrez des vidéos de rap français au Wu-Tang, il y a un de mes clips : celui en noir et blanc pour Gracy Hopkins. Si j’avais su que cette réal finirait par être critiquée par le Wu-Tang… C’est la classe. Et puis on a constaté que ça avait attiré pas mal l’attention sur l’artiste et le clip donc c’est cool.
Tu as réalisé d’autres clips en dehors de Nyctophobia: Quiproquo pour Gracy Hopkins ?
Ouais, j’ai fait un truc pour ASF et Elyo : les gars du Panama Bende qui sont aussi en duo. Il s’agira de leur premier clip pour leur tout premier single. Je vais avoir un autre truc qui va sortir avec Gracy aussi. J’ai fait des études de ciné, je viens de la fiction à la base. Donc j’essaie d’amener ce truc-là dans mes clips plutôt que de miser que sur le côté play-back classique. Dans le prochain, pour ASF et Elyo, il y aura une vraie histoire. Il me tarde que ça sorte.
https://www.instagram.com/p/Bd-WB19g4Ze/?hl=fr&taken-by=alloalix
La viralité de tes détournements t’a-t-elle aidé à contacter des artistes pour travailler avec eux ?
En tant que réal, je m’appelle Alix et je signe Alloalix sur Insta pour le projet un peu drôle. Finalement, ça m’aide à contacter des artistes que j’aime bien directement sur Instagram. Généralement, je les contacte directement sur Instagram pour proposer des collaborations. Certains rigolent. Ils doivent se dire que je dois être drôle et on arrive à se rencontrer. Je connaissais un peu certains des gars que j’ai détournés. Par exemple, Ichon je l’ai croisé deux jours après dans la rue et il m’a insulté en mode “Ah petit bâtard, j’ai vu ce que t’as fait…”
https://www.instagram.com/p/Beinfg8ghrl/?hl=fr&taken-by=alloalix
L’attention suscitée par une artiste comme Angèle, qui était déjà très attendue avant même de sortir son premier single, t’a-t-elle poussé à envisager Instagram comme un nouveau support de création et de promotion ?
Clairement. C’est pour cela que je n’ai pas arrêté. J’aurais pu faire une vidéo et stopper le truc. Mais comme ça m’amusait et que ça me permettait de me faire des contacts, j’ai foncé ! Je peux aussi en profiter pour exposer le travail “plus sérieux” que je fais à côté. C’est un vrai kif. Quand tu sors d’école, le clip est un petit peu la manière la plus simple d’accéder à des premiers tafs. Il y a plein de petits artistes qui cherchent des jeunes réals pour mettre leur musique en images. Quand je me suis tourné vers Gracy, il n’avait fait qu’un clip. J’adorais son univers. Je lui ai envoyé juste un mail et on s’est rencontrés. On a rapidement bossé ensemble et de fil en aiguille, je me suis rendu compte qu’il y avait une vraie attente dans le rap en France. Le clip de rap prend une ampleur de malade. C’est aussi un accélérateur qui peut te permettre de te faire repérer et d’être approché pour des fictions.
https://www.instagram.com/p/BenxM9_gKVa/?hl=fr&taken-by=alloalix
Ouais, le rap + insta c’est un peu la formule magique. Tu es à l’aise avec cette notion de format court et de temps de cerveau disponible imposée par Instagram ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup de photographes/influenceurs qui se font approcher par des prods car les boîtes savent que le projet sera encore plus vu. J’essaie d’en jouer et c’est forcément un élément à prendre en compte si tu veux te faire connaître. Mais le plus important reste que je continue à m’amuser et que les vidéos me fassent rire. Je choisis de détourner uniquement des artistes français car aux Etats-Unis, tous les gros tubes ont déjà été fait en shred. Hotline Bling de Drake a été fait par exemple. J’essaie d’élargir un peu ce que je fais avec Christophe Maé et Maître Gims mais j’ai encore d’autres idées pour sortir du rap, même si c’est vraiment ce que je kiffe. Il y a beaucoup de play-back dans les clips de rap mais je me suis rendu compte que ce qui était le plus drôle dans les vidéos que je fais, c’est le silence. Dans la parodie d’Angèle, je crois qu’elle ne prononce qu’une ou deux phrase. Alors que c’est celle qui a le mieux marché. J’ai plein de vidéos que j’hésite encore à sortir car je n’ai pas trop de recul en fait. Je ne sais jamais si c’est vraiment drôle. Pour l’instant, je n’ai pas vécu le bad buzz complet. Genre que des commentaires horribles qui disent que c’est nul à chier. J’ai eu quelques haters, notamment des fans de Maître Gims ou Angèle. En tout cas, aucun artiste ne l’a mal pris. J’ai le projet de pousser un peu plus le délire avec un truc plus écrit et plus ambitieux. Pour l’instant, la démarche n’est pas très compliquée. J’aimerais essayer d’aller encore plus loin.
Il y a des clippeurs français que tu suis et dont tu apprécies particulièrement le travail ?
Ouais, The Blaze forcément. Surtout le clip de Territory en fait : tu as l’impression que c’est un docu alors que le mec est clairement comédien. C’est le genre de clips qui te met une vraie claque et j’aimerais pouvoir faire ce genre de trucs. Romain Gavras, c’était fou. Aujourd’hui, j’aime bien ce que fait Valentin Petit et sinon j’ai beaucoup aimé le dernier clip d’Agar Agar avec Garance Marillier. Il n’est pas français mais je suis aussi ce que fait Kristof Brandl avec Charlotte Cardin et puis le travail de Dario Fau avec Lomepal.
https://www.instagram.com/p/BgjXrObAqpw/?hl=fr&taken-by=alloalix
Si on laisse de côté l’affiliation Booba x Chris Macari, j’ai l’impression que le temps où chaque chanteur avait son clippeur attitré est un peu révolu. Le rapport s’est inversé et il y a maintenant des réalisateurs qui bossent sur plein de projets différents…
Je sais que Lomepal et très branché avec Dario. Josman fait toutes ses vidéos avec Marius Gonzalez aussi, mais c’est vrai qu’on perd un peu cette idée de réal exclusif. C’est beaucoup plus intéressant d’ouvrir au maximum le truc et de mélanger les genres. En dehors du rap, j’avais tenté de bosser avec Eddy de Pretto il y a un an, mais il avait refusé. C’était mort. Ça me ferait délirer de bosser sur des projets de chansons dans la veine de Juliette Armanet mais c’est beaucoup plus difficile de toucher ce genre d’artistes. Dans le rap, il y a plein de mecs indépendants sans aucun label. On peut les contacter directement et bosser avec eux. C’est un échange de bons procédés. Dans la pop ou dans la chanson française, c’est très compliqué car la plupart des artistes sont en major et leurs labels préfèrent passer par des grosses prods installées. Il faut être dans leur boucle.
Propos recueillis par Azzedine Fall
Pendant que votre cerveau est encore disponible, toutes les vidéos d’Alix sont disponibles sur le compte Instagram @Alloalix.
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