Chants mongols, vièle du Balouchistan ou Topeng de Cirebon : pour son week-end de cloture, les Orientales ont fait vibrer l’Orient avec passion, du Maghreb jusqu’à l’Asie lointaine. Coup de chapeau. Jusqu’au 3 juillet au festival Montpellier-Danse.
Magies Nomades, précisait l’intitulé de ce festival dont Alain Weber signe la troisième édition en tant que directeur artistique ? une rupture nette avec le festival Asie-Occident qui exista auparavant à Saint-Florent-le-Vieil pendant une dizaine d’années, et dont la cohérence artistique avait fini par tenir plus du collage que d’une vision, fut-elle partagée ou pas. Cette année, la découverte de l’Orient s’attachait à présenter des artistes venus du Maghreb jusqu’à l’Asie lointaine, en choisissant comme instrument commun la vièle, qu’elle s’appelle « morin-khuur » pour le poète-chamane des tribus mongoles, « kamanche » en Perse, « Rababa » en Egypte ou « djoza » en Irak.
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Au total, 17 pays ont été représentés lors de cette édition, au cours de deux week-ends bien remplis. Une fois qu’on a grimpé la rude côte menant à l’Abbatiale, on peut estimer être arrivé à bon port : le Café oriental, où ont lieu la plupart des concerts, est à côté, ainsi que le marché oriental, la yourte mongole et la Ferme des Côteaux. Le seul endroit, exceptionnel il est vrai, pour lequel il faut être motorisé, c’est le Salon de musique du Palais Briau où des concerts-lectures ont lieu la nuit, aux alentours de 0h 30?
Parmi tous les concerts et spectacles proposés pour le week-end de clôture, notre coup de c’ur est sans conteste et sans hésitation pour les chants diphoniques du Mongol Bayarbaatar Davaasuren et les Chants des steppes du Kazakhstan. Il semble presque vain d’essayer de décrire un chant diphonique : comment exprimer l’effet produit par un son ? le « khöömii », littéralement larynx, point culminant du chant diphonique – dont la note fondamentale émet simultanément son harmonique et donne ainsi à entendre, en même temps, deux sons, et deux sons radicalement distincts qui plus est ? Indicible La voix de Bayarbaatar Davaasuren plonge si loin dans les graves, grimpe si pur dans les aigus, son chant est parfois si proche du blues ou du raï, qu’on en reste pantois, bras ballants, relisant les trois lignes du programme où l’on nous parle de son art : « Ce chant de gorge est une métaphore musicale du relief des collines, de l’étendue des steppes et des troupeaux, du tumulte de la nature, de ses grondements et de ses murmures, du galop des chevaux et du bruissement des herbes sauvages. Dans une vision surnaturelle du monde, dirigée vers le ciel par le vol des oiseaux, vers la terre et le monde des esprits par le bruissement des sources, le poète-chanteur communie avec l’autre monde. »
Autre bonne surprise, programmée dans le cadre de la saison Magyart, le groupe de Jag Virag, des roms de Hongrie, originaires de Nyrmihalydi, petit village proche de la frontière roumaine. Leurs chants sont accompagnés d’une guitare folk et de pots à lait, en guise de percussions. Après s’être laissée admirer un bon moment, la danseuse du groupe dont les pieds effleurent le sol en esquissant des boucles et des demi-cercles, invite le public à la rejoindre sur scène. Lequel, pas frileux, ne se fait pas prier. Voilà encore l’une des qualités des Orientales : le soin porté au public et à sa rencontre avec les artistes, l’atmophère de quiétude, estivale certes, mais si peu courante, qui fait de ce festival un moment à partager où l’on ne craint pas d’afficher son ignorance. La meilleure communication des Orientales, n’est pas le programme distribué, mais c’est Alain Weber, lui-même, qui introduit chaque concert et présente les artistes. On ne vient pas là pour étaler sa science, mais pour découvrir, apprendre : c’est bête comme bonjour, mais ça change tout.
Même remarque pour le Topeng de Cirebon, ce théâtre dansé et marqué de Java, que l’on retrouve ces jours-ci au festival Montpellier-Danse. Musiciens, manipulateurs des figurines sculptées dans une peau de buffle peinte, danseurs et danseuses : tous exercent leur art dans le cadre d’une improvisation structurée qui connut son apogée aux XVè et XVIè siècle, au moment où l’ile de Java, hindouiste, est devenue musulmane. Selon le rythme des actions qui animent le théâtre d’ombres ou les scènes dansées avec des masques, le gamelan de métallophones et de gongs, la flûte, le tambour et les chants se font fracas, tumulte, ou brise ténue. L’énergie de la danseuse Ibu Rasinah, 73 ans, répond à la complexité musicale avec une précision stupéfiante. Peu lui chaud de devoir interpréter un homme d’âge moyen, une jeune fille ou Dieu sait quel personnage, elle les contient tous et les exprime avec une vélocité gestuelle dont on sent bien que, non seulement l’âge n’a pu la restreindre, mais qu’au contraire, seule une longue, très longue pratique de son art, lui permet, aujourd’hui, d’en détenir et d’en exprimer toutes les arcanes. Il est vrai que l’on parle d’une région du monde où les vieux artistes ne sont pas mis à la retraite passée la première ride, mais où ils accèdent, parfois, au titre si envié et si respectable de « Trésor vivant ». Une autre vision des choses et du monde .
Topeng de Cirebon au festival Montpellier-Danse, les 2 et 3 juillet à 22h
Tel : 04 67 60 83 60
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