Entre synthés et guitares électriques, un troisième album à la sensualité assumée.
“A l’âge de 18 ans environ, j’ai découvert une série de la photographe néerlandaise Rineke Dijkstra qui présentait des mères tenant leur nouveau-né, tout droit sorties de la salle d’accouchement. Ces images étaient incroyablement brutes et puissantes, la force des femmes étant illustrée par leur vulnérabilité. J’ai voulu créer ma propre version, car ces thèmes faisaient écho à ce que j’essayais de dire sur l’album. Mais au lieu d’un bébé, je porte un porcelet, créature décriée et incomprise car les humains ont décidé qu’il s’agissait d’animaux aussi sales que stupides, mais en réalité ils sont incroyablement purs et intelligents. Si je tiens ce cochon, c’est pour montrer mon acceptation de ce qu’il est, et non de ce qu’impose la société.” Ainsi, la pochette d’Any Human Friend affirme déjà du point de vue visuel le propos de Marika Hackman.
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Une ode vibrante au désir féminin
Depuis la sortie de son premier album We Slept at Last (2015), la chrysalide est devenue papillon. Ne nous fions pas à la douce ouverture acoustique d’Any Human Friend, Wanderlust, car déboule aussitôt la pop électrique de The One, qui rompt avec le folk des débuts de la jeune Anglaise, qui ne composait jadis ses chansons qu’à la guitare.
“Désormais, la plupart de mes chansons naissent avec la basse puis les sections rythmiques, explique-t-elle. Même si, après des années à craindre le jugement des autres, je me considère enfin comme guitariste et peux me concentrer sur les riffs que je veux façonner.” Elle qui a fait ses débuts dans un groupe de rock au lycée avec l’actrice et top model Cara Delevingne, posant pour Burberry avant de choisir définitivement la musique, trouve une nouvelle voie avec Any Human Friend, qui s’éloigne du folk contemplatif pour investir un territoire plus sexy à la manière de St. Vincent.
En témoigne le parti pris sonore du disque, coproduit par Marika Hackman et David Wrench (Frank Ocean, The xx), où une ballade faussement simple comme Send My Love s’avère épique et vénéneuse. Tout en apesanteur, Hold On fait de son traitement à l’Auto-Tune une démonstration poétique, tandis que I’m Not Where You Are, Hand Solo ou Blow se distinguent par leurs refrains ultra-accrocheurs, entre synthés et guitares électriques. L’abrasif All Night est une ode vibrante au désir féminin, dont la sensualité aurait choqué la famille de Marika.
Après une adolescence bouleversée par son coming-out, elle décide aujourd’hui d’en porter fièrement le flambeau. Pour elle et pour les autres : “En tant que lesbienne, chanter sur ce sujet est une revendication de la représentation de la femme en tant que force sexuelle. Les chansons sur la sexualité queer féminine proviennent souvent d’un fantasme masculin, et il me semble important que nous commencions à nous les réapproprier. Plus jeune, je n’entendais pas ce genre de chansons, qui m’auraient pourtant aidée à affronter ce sentiment d’être différente des autres… Je voulais faire un disque qui plonge véritablement en moi, avec mes défauts et mes failles, dans l’espoir que tous ceux qui l’écoutent trouvent du réconfort.” C’est chose faite.
Sophie Rosemont
Any Human Friend (Caroline/Universal)
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