Rare exemple du top model sachant chanter et composer, elle sort un deuxième album entre country et folk.
Souvent, l’annonce qu’un mannequin-vedette se lance dans une carrière musicale est une mauvaise nouvelle pour nos oreilles – Gisele Bündchen, Heidi Klum, Naomi Campbell et Kate Moss n’ont heureusement pas persisté dans ce domaine. Et puis parfois, le résultat est une telle merveille qu’il fait taire les mauvaises langues. Nico, Grace Jones ou encore Lou Doillon font partie de cette catégorie, dont Karen Elson est l’un des spécimens les plus fascinants de ces dernières années.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Folk vintage et une country hantée
A la sortie de son premier album, The Ghost Who Walks, en 2010, sa passion palpable pour la musique s’exprimait à travers un folk vintage et une country hantée. Ces chansons étaient produites par Jack White, son mari d’alors, mais ne surtout pas voir en lui un pygmalion : c’est seule et en secret qu’elle les a écrites. D’ailleurs, cette rousse flamboyante n’a pas attendu de le rencontrer pour se mettre à la chanson.
Elle a d’abord chanté des reprises au sein de The Citizens Band, troupe de cabaret qu’elle a cofondée à New York au début des années 2000. On a aussi pu entendre sa voix vaporeuse sur un disque de Robert Plant et sur l’album Monsieur Gainsbourg Revisited, en duo troublant avec Cat Power. Son déclic musical ne date pas d’hier. “C’était une échappatoire, confie-t-elle. J’ai grandi dans le nord de l’Angleterre et ça m’a aidée à surmonter la rudesse du paysage, le froid brutal et le harcèlement incessant des gamins qui me trouvaient différente. Grâce à la musique, je laissais mon imagination s’évader dans des rêves éveillés.”
Alors qu’elle a grandi dans la banlieue de Manchester, elle avoue s’être initiée à la scène bouillonnante de cette ville bien après l’avoir quittée pour les Etats-Unis.
“Quand j’étais petite, c’était juste mon environnement. Mon frère était très proche de Mani des Stone Roses et il partait sur la route avec les Happy Mondays. Je les considérais comme le gang de mon frère, ses copains de classe. Je connaissais, mais ça ne m’emballait pas plus que ça. C’est seulement quand j’ai emménagé aux Etats-Unis que j’ai eu un coup de foudre pour la britpop, The Cure, Joy Division. J’ai eu un autre grand choc quand j’ai vu Nick Cave et Blixa Bargeld dans Les Ailes du désir. Aujourd’hui, peut-être parce que j’ai 38 ans et que je vieillis, je ne comprends plus la pop culture et les gens que mes enfants admirent.”
Ce décalage saute aux yeux dans sa magnifique robe d’un autre temps (signée The Vampire’s Wife, la marque de Susie Bick, l’épouse de Nick Cave), qui rappelle autant La Petite Maison dans la prairie que le gothique à la Tim Burton. Il rejaillit aussi dans les chansons de Double Roses, son deuxième album qui va autant puiser dans le folk du Laurel Canyon que dans la country originelle. Poudrées de cordes et d’arrangements délicats, ses nouvelles chansons ont été écrites à Nashville (où elle vit avec ses deux enfants) et enregistrées à Los Angeles sous la houlette de Jonathan Wilson. Un casting de luxe joue à ses côtés, notamment Father John Misty, Pat Carney des Black Keys, les chœurs de Laura Marling sur Distant Shore. “Aucun d’entre eux n’a participé à la composition des morceaux, tient-elle à préciser. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir des musiciens aussi doués pour m’entourer.”
« J’ai voulu faire face à ma propre vérité »
Même si The Ghost Who Walks racontait des murder ballads et des histoires ténébreuses, elle trouve son nouvel album plus sombre que le précédent alors qu’il regorge de romantisme et de grâce. Aujourd’hui, au lieu de se planquer derrière des personnages, elle ose affronter son propre reflet et se montrer telle quelle.
“J’ai davantage confiance en moi que sur le premier album, où j’avais peur de ne pas être prise au sérieux. Cette fois, je me suis donné le temps d’expérimenter, de jouer avec ma voix et d’être sincère. Dans les paroles aussi, j’ai voulu faire face à ma propre vérité, même dans ses facettes les plus laides. C’était libérateur.”
Qu’elle se rassure : cet album-confession n’a rien de repoussant. On le constate dès l’ouverture sur le majestueux Wonder Blind. Cette première étincelle de chaleur caressante et de lumière irradiante n’est qu’un avant-goût pour la suite, où les charmes se succèdent jusqu’à provoquer un enivrement bienfaisant.
{"type":"Banniere-Basse"}